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Théâtre - Critique

« 4211 km » d’Aïla Navidi, un cri né de l’épreuve du déracinement qui se fait bijou théâtral

« 4211 km » d’Aïla Navidi, un cri né de l’épreuve du déracinement qui se fait bijou théâtral - Critique sortie Théâtre Paris Studio Marigny
© Dimitri Klockenbring 4211 km, une magnifique épopée familiale, qui touche profondément

Studio Marigny / Texte et mise en scène Aïla Navidi

Publié le 19 décembre 2023 - N° 317

Avec une maîtrise qui force l’admiration, Aïla Navidi nous plonge dans le vécu de la famille Farhadi entre Téhéran et Paris. Un bijou théâtral, profondément émouvant.  

« Cette pièce est un cri. Un cri que j’avais en moi depuis toujours » confie l’autrice et metteure en scène Aïla Navidi. Un cri né de l’épreuve du déracinement, un cri qui se fait bijou théâtral, façonné et poli avec savoir-faire, précision, limpidité, et aussi certainement beaucoup d’amour. Un cri comme une empreinte chatoyante, nécessaire, qui vise à rendre hommage aux aînés autant qu’à être transmise aux enfants. Et qui montre magnifiquement que l’identité ne se pense pas en parts distinctes, mais constitue un tout pluriel, mouvant et nourri de multiples affluents, qu’il n’est pas toujours aisé de conjuguer. Au cœur de l’histoire, Yalda, née à Paris le 9 octobre 1981, qui parfois se fait narratrice, fille de Mina et Fereydoun Farhadi, réfugiés politiques qui dans les années 1970 combattirent courageusement le Shah d’Iran avant de se faire voler leur Révolution par la dictature implacable du régime islamique et de devoir fuir en France. Un séjour comme souvent censé être transitoire avant de rentrer à la maison, qui se prolongea pendant des décennies.

Une histoire d’amours, au pluriel

Rythmée, fluide et subtilement agencée, sans aucune seconde de relâche, l’épopée plonge au cœur du vécu de de la famille Farhadi, traversant l’espace et le temps : de Téhéran à Paris, soit 4211 kilomètres à vol d’oiseau, d’une génération à l’autre, des années 1970 à aujourd’hui, où depuis l’assassinat le 16 septembre 2022 de la jeune Mahsa Amini, arrêtée pour un voile mal ajusté, les mollahs répriment férocement le désir de liberté de la population. De l’espace scénographique à l’utilisation de la lumière, tous les effets du théâtre se conjuguent dans une parfaite cohérence et une subtile justesse. La pièce a été très applaudie à Avignon au 11 l’été dernier, et multi-récompensée au Festival d’Anjou 2023. Il est fréquent voire galvaudé de dire qu’au théâtre le singulier rejoint l’universel, ou que l’intime rejoint le politique. Servie par de formidables comédiens – Olivia Pavlou Graham, Florian Chauvet, Aïla Navidi, Sylvain Begert en alternance avec Thomas Drelon, Damien Sobieraff, June Assal en alternance avec Lola Blanchard, Benjamin Brenière -, cette pièce y parvient profondément : malgré la violence de l’Histoire avec sa grande hache (comme le disait l’orphelin Georges Perec, dont la famille fut décimée par les nazis), malgré les drames, le désir de vivre l’emporte et unit les générations. Il est beau que le théâtre se fasse ainsi au présent acte de mémoire tout autant que célébration de la liberté.

Agnès Santi

 

A propos de l'événement

4211 km
du mercredi 10 janvier 2024 au dimanche 25 février 2024
Studio Marigny
Carré Marigny, 75008 Paris

du mercredi au samedi à 20h30, dimanche à 16h. Tél : 01 86 47 72 77. Durée : 1h25. Spectacle vu au Théâtre de Belleville à Paris.

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