La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Classique / Opéra - Entretien

3 questions à Thierry Escaich

<p>3 questions à Thierry Escaich</p> - Critique sortie Classique / Opéra
Légende photo : (crédit Vincent Muteau) : Julot et René, nouveau spectacle, nouveau duo.

Publié le 10 mai 2007

« Je veux aller au bout de mes luttes, sans souci de vouloir être original. »
Ainsi l’organiste Thierry Escaich définit-il sa démarche de compositeur,
résistante à toute tentative de classement dans tel ou tel courant ou école. Né
en 1965, Thierry Escaich s’est aujourd’hui totalement imposé comme l’un des
meilleurs organistes français de sa génération et un compositeur inspiré et
libre. Sur son instrument de l’église Saint-Étienne-du-Mont, il défend un
programme très ouvert et varié, visant pourtant à former un tout cohérent. « Comme
une ?uvre où tout s’enchaînerait comme dans une sorte d’opéra 
»,
explique-t-il.


Comment avez-vous conçu le programme de votre concert du 29 mai à l’église
Saint-Étienne-du-Mont?

Thierry Escaich : J’essaie de concevoir un concert comme une ?uvre où
tout s’enchaînerait comme dans une sorte d’opéra. Je viens de réaliser cela dans
un « concert dialogue » entre Bach et ses influences au XXe siècle ? en
trio avec David Grimal et François Salque ? où l’improvisation faisait le lien
stylistique, où les pièces s’enchaînaient en fonction de leur forme, de leur
tonalité, de leur climat quitte à n’en jouer que des extraits. Peut-être pour
montrer que, malgré la diversité des langages, c’est le même discours qui se
perpétue et se transforme au fil du temps. Dans une moindre mesure, ce concert
de Saint-Étienne-du-Mont obéit à cette forme, et c’est quelque chose que je vais
développer à l’avenir.

« L’improvisation, c’est un jaillissement d’idées créé souvent par une
situation d’intense émotion »

Les organistes sont, parmi les instrumentistes classiques, les seuls à avoir
conservé un lien aussi fort avec l’improvisation. Que vous apporte-t-elle sur le
plan artistique, à la fois en qualité d’instrumentiste et de compositeur?

Thierry Escaich : L’improvisation s’est perpétuée à l’orgue du fait de la
nécessité d’adaptation de l’organiste au temps liturgique mais aussi à la parole
qui se dit dans la nef. L’office protestant y laisse un peu moins de place. Cela
dit, l’improvisation est vraiment passionnante lorsqu’elle est pratiquée par des
compositeurs (Franck, Vierne, Messiaen) et qu’elle est une extension (voire un
terrain d’expérimentation) de leur propre langage. Dans mon enseignement au
C.N.S.M.D.P., c’est ce que j’essaie (avec mes collègues Jean-François Zygel et
Philippe Lefèvre) de perpétuer. L’improvisation fut mon premier accès à la
musique, tout jeune, avant de savoir jouer une partition? C’est ma manière de
parler, de façonner moi-même mon matériau sonore et de l’exprimer au public.
Avoir ce contact direct avec le public est une nécessité à laquelle je ne
renoncerai jamais même si elle engendre une réelle suractivité.

Vous êtes totalement identifié et reconnu aujourd’hui à la fois comme
organiste et compositeur. Parlez-nous de la manière dont ces métiers cohabitent
en vous.

Thierry Escaich : L’improvisation, c’est un jaillissement d’idées créé
souvent par une situation d’intense émotion? Et c’est cela que je m’efforce de
retrouver au fil des pièces. On pourrait croire alors que j’écris vite, en
jetant mes idées sur le papier à la manière d’un Victor Hugo, mais c’est en fait
tout le contraire? Je pense une forme des mois en amont de son écriture, elle
m’accompagne durant ma vie, je la corrige des dizaines de fois mentalement,
jusqu’à ce que je retrouve l’évidence du jaillissement de l’idée originelle.
C’est peut-être cela la principale influence de l’improvisation sur ma vision de
la création. Mais la recherche de mondes sonores nouveaux qui doit occuper tout
compositeur me permet à l’inverse d’enrichir et de faire évoluer un métier
d’improvisateur qui, sans cela, tournerait sur lui-même.

Propos recueillis par Jean Lukas

Mardi 29 mai à 20h30 à l’église Saint-Étienne-du-Mont (Place du Panthéon
?75005 Paris). Tél. 0 892 68 36 22. Places : 20 ?.

Programme : Improvisations et ?uvres d’Elgar, Brahms, Escaich, Brahms et
Mendelssohn.

A propos de l'événement


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