La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Orage

Orage - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre de la Tempête
Une difficile confrontation au réel… © Pierre Grosbois

Théâtre de la Tempête / de August Strindberg / texte français René Zahnd / mes Jacques Osinski

Publié le 4 décembre 2013 - N° 215

Avec délicatesse et justesse, Jacques Osinski met en scène cette pièce de chambre de Strindberg et laisse voir toutes les nuances et les ambiguïtés d’une vie intime blessée. Jean-Claude Frissung  interprète Monsieur avec talent. 

« Pièce de chambre » évoquant la musique du même nom, pièce intime éclairant la vie et les pensées d’un vieil homme solitaire, Orage (1907) entrelace le réel et l’illusion, le trop plein du passé qui resurgit et le prétendu vide du présent qui se trouve menacé. La pièce laisse apparaître toute la fragilité d’êtres qui s’efforcent de se protéger de la souffrance de vivre sans vraiment y parvenir. Le quotidien rythme les jours de sa rassurante tranquillité, quotidien qui contraste avec la violence sourde qui caractérise les rapports de couple, et  qui caractérise aussi la vie, vouée à se finir plus ou moins brutalement. Monsieur se dit « satisfait de sa vieillesse et de sa paix silencieuse » : il se réfugie dans une morne quiétude, dans une solitude qui lui permet de se sentir libre et détaché du monde et des autres, qui ne sont pas là pour exiger quoi que ce soit. Monsieur a été marié à une femme beaucoup plus jeune que lui, et ils ont eu une fille (tout comme Strindberg lui-même). Craignant la différence d’âge, il l’a quittée et vit dans le même appartement qu’auparavant, servi par une jeune parente, Louise (Alice Le Strat, impeccable), discrète et très efficace. De nouveaux venus emménagent au-dessus. « C’est comme un nuage rouge, une menace d’orage au-dessus de nos têtes ; qu’est-ce que c’est que ces gens ? » Son ex-femme, remariée, s’est installée et vient troubler l’immuable cours des jours.

Des abîmes derrière les faux-semblants

La mise en scène de Jacques Osinski, tout en délicatesse, parvient à rendre palpables toutes les ambiguïtés des personnages et des relations, dans une atmosphère feutrée et apaisée qui convient parfaitement à ce texte qui masque des abîmes derrière de paisibles faux-semblants. La partition sonore et le jeu des voix sont à cet égard une réussite. La maison de Monsieur, « maison du silence » qui n’a pas changé depuis le départ de Madame, est peuplée de souvenirs prégnants. Espace fermé par une paroi de verre, où sont censés régner calme et protection,  cette maison est à la fois cage et cocon, et elle relie implacablement le passé et le présent. Peut-on enferrer le temps et la vie sous une cloche ? La mise en scène suggère toute la puissance des illusions, et aussi leur vulnérabilité. Une incroyable cruauté peut soudain jaillir au détour d’une réplique. Mais l’orage finalement n’éclate pas… Dans l’intimité de cet homme blessé, remarquablement interprété par Jean-Claude Frissung, Jacques Osinski laisse voir  toutes les nuances du psychisme, entre apaisement apparent et tempêtes intérieures, entre crépuscule masquant les imperfections et éclair aveuglant, entre les paroles souvent elliptiques et les non-dits pesants. Il donne à Strindberg une belle présence, où finalement seul le temps demeure…
Agnès Santi

A propos de l'événement

Orage
du vendredi 15 novembre 2013 au dimanche 15 décembre 2013
Théâtre de la Tempête
Cartoucherie, Route du Champ-de-Manœuvre, 75012 Paris.

Du 15 novembre au 15 décembre, du mardi au samedi à 20h30, dimanche à 16h30. Tél : 01 43 28 36 36.
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