La Terrasse

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Théâtre - Critique

Le Prince travesti ou l’illustre aventurier

Le Prince travesti ou l’illustre aventurier - Critique sortie Théâtre
Crédit photo : V. Arbelet Légende photo : Dan Artus et Ismaël Ruggiero dans Le Prince travesti.

Publié le 10 avril 2008

Irène Bonnaud signe une mise en scène du Prince travesti qui renoue en son projet de création avec les principes de la décentralisation et en sa réalisation avec le meilleur du théâtre populaire de qualité.

La Salle des fêtes Marcel-Joyeux de Luzy n’a sans doute jamais aussi bien porté son nom que le soir de la première du Prince travesti, créé en résidence dans ce bourg de la Nièvre avant de partir en tournée à travers toute la Bourgogne pendant un mois. Ce projet de création hors les murs, imaginé par Irène Bonnaud, artiste associée au Théâtre Dijon Bourgogne, et par François Chattot, son directeur, renoue avec les principes d’un théâtre pour tous, léger et itinérant, reposant sur la seule force du texte et du jeu et sur un désir de communion authentique et sincère. La joie ne naît pas seulement à cette occasion du spectacle remarquablement abouti que met en scène Irène Bonnaud, mais aussi de l’enthousiasme communicatif de François Chattot faisant l’éloge amoureux du nouveau gradin pérégrin de son théâtre, de la brioche généreuse partagée avec le public à l’issue du spectacle, des conversations entamées pendant les répétitions avec le public et continuées ce soir-là après la représentation, et de la jubilation que connaît Luzy en cette fin d’hiver pluvieux d’avoir partagé avec une troupe jeune et sympathique le bonheur du théâtre. L’engagement est ici politique autant qu’artistique et est le signe de la belle et prodigue intelligence de Chattot et des siens, désormais installés dans un territoire qui dépasse les frontières urbaines de sa capitale régionale et prouve que le théâtre n’est en crise qu’aux yeux de ceux qui renoncent à croire à ses vertus citoyennes.
 
Un texte formidable, remarquablement incarné
 
Interprété par une troupe composée de quatre jeunes comédiens épatants de fougue et d’éclat (Dan Artus, Ismaël Ruggiero et les très belles Marie Favre et Sophie-Aude Picon) et du truculent Roland Sassi en ancien à l’épaisseur débonnaire et à la patte protectrice, ce Prince travesti a tout de l’aventure romanesque. On tremble devant les amours contrariées de Lélio et Hortense, on soupire d’aise de voir l’ambassadeur se révéler un prince amoureux à la hauteur de la vertu de la princesse, on trépigne devant la niaiserie d’Arlequin et on s’esclaffe devant ses saillies insolentes, on exècre le méchant Frédéric qu’on jubile de voir démasqué : toute la force du théâtre est là, dans la simplicité d’une représentation parfaitement tenue, où les costumes sont très beaux, les accessoires plaisamment délirants et la mise en scène fluide, intelligente et mesurée. Les fantômes du théâtre populaire de qualité (ceux de Copeau ou de Vilar) volètent au-dessus de ce spectacle comme des anges tutélaires, et la jouissance est totale de voir ainsi servi par des artistes de très haute volée un texte à la force puissamment dramatique, parfaitement dit et formidablement joué. Il est évident que ce spectacle ne perdra rien de ses qualités en revenant au Parvis Saint-Jean achever en avril sa tournée bourguignonne. Promesse de bonheur assuré, donc, pour tous les Dijonnais !
 
Catherine Robert


Le Prince travesti ou l’illustre aventurier, de Marivaux ; mise en scène d’Irène Bonnaud. Du 21 au 30 avril 2008. Lundi, mercredi, jeudi à 19h30 ; mardi, vendredi à 20h30 ; samedi à 17h. Théâtre Dijon Bourgogne – Centre Dramatique National. Parvis Saint-Jean, rue Danton, 21000 Dijon. Réservations au 03 80 30 12 12. Spectacle vu à la Salle des fêtes Marcel-Joyeux de Luzy.

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