La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

SHALL WE DANCE?

La danse en ses lieux

La danse en ses lieux - Critique sortie Danse
Crédit : Michel Keleménis Légende : Klap, une Maison pour la danse en plein cœur de Marseille.

Danse et espace de la danse

Publié le 27 février 2016

La danse, une utopie ? Elle a cultivé dans sa pensée l’idée d’utopie au sens d’un art sans lieu, en opposition au théâtre ou au cinéma qui possèdent le leur. Mais cinquante ans de politique culturelle ont pu donner corps à un important maillage de lieux pour la danse. Ou en est-on aujourd’hui ? Une voie s’ouvre vers des conceptions nouvelles de l’idée de lieu, et de la notion même d’activité chorégraphique…

En 1998, Susan Buirge, chorégraphe américaine installée en France, disait, dans la revue Nouvelles de Danse : « Je crois que la danse est par définition hors-lieu, en ce sens que – en Occident en tout cas – nous sommes condamnés à nomadiser. Il n’y a jamais eu de lieu spécifiquement conçu, construit, bâti pour la danse. La danse est toujours dans des lieux prêtés ». Si la plupart des artistes continuent à “nomadiser“,  la question du lieu dédié à la danse a trouvé certaines résolutions, notamment au cœur même de l’institution. Les exemples tels que le Pavillon noir à Aix-en-Provence, ou la Briqueterie à Vitry-sur-Seine, s’ils sont des projets architecturaux emblématiques d’une pensée pour la danse, soulèvent toutefois d’autres enjeux, qu’il est nécessaire aujourd’hui de prendre en compte : à un moment où la danse se trouve à un point d’essoufflement de ses logiques de production et de diffusion, et où la question de son public et de son ancrage dans la société n’est pas résolue, ils prennent à bras-le-corps la dimension essentielle du rapport à leur territoire. En ce sens, ils développent une autre conception de l’activité chorégraphique et de la notion de lieu, à travers l’idée d’« habiter ». Un lieu pour la danse n’est plus un « super-studio », où l’artiste développe sa démarche au creux d’un cocon, pour que surgisse l’œuvre, dans le sacro-saint moment de rencontre avec le spectateur. Les projets de ces deux lieux témoignent d’une ambition à défendre une relation entre artiste et public se déployant autour d’une activité chorégraphique plus large, plus ouverte, au-delà des notions d’œuvre et de spectateur. Ateliers, projets participatifs, répétitions ouvertes, récoltes de paroles et de gestes, visites guidées, petites formes dans la ville, danse à l’école, lien aux associations, aux entreprises…

Politique du public et politique de création

Les exemples sont nombreux et ces initiatives ne sont certes pas nouvelles, mais démontrent que ces lieux prennent leur part dans l’idée de faire une place à la danse, non plus seulement chez elle, mais dans la société, en développant sa capacité à « habiter » un territoire, dans une posture citoyenne entre l’« aller vers » et le « faire venir ». Ce qui n’est pas sans soulever certaines questions : qu’en est-il alors du rôle et du statut de l’artiste ? Comment se joue la reconnaissance de ce type de travail du point de vue du ministère, et quels pourraient être ses critères d’évaluation ? Une réflexion économique, politique et esthétique peut-elle advenir, ouvrant la voie à un système qui verrait se tenir une véritable politique du public, conjointement à une politique de la création ? D’autant que des initiatives privées aux contours très variés voient le jour, et vont dans le sens d’un véritable partage de la danse et de la culture chorégraphique, en infusion sur un territoire. A Marseille, « Klap », maison pour la danse, est née grâce à la volonté du chorégraphe Michel Keleménis et ne compte plus les projets en lien avec les habitants ou les simples curieux. Mais c’est la création qui reste le moteur de toute chose : « La création est au cœur de chaque action. Cette maison est d’abord une maison de création, il faut qu’elle soit irriguée par de très nombreuses présences artistiques, et à partir de ces présences, il y a un programme de partage artistique et culturel qui se développe, et qui va créer une somme de rencontres de différentes formes », précise le chorégraphe. En Ardèche, la danseuse Sophie Gérard a monté « La Jetée », lieu d’art et de ressources chorégraphique : « C’est un lieu où l’on peut manger, discuter, regarder des films, pratiquer… Pour moi, c’est la dimension étendue de la question chorégraphique : à la fois les œuvres, à la fois l’histoire, à la fois les démarches… ». Récemment, Cécile Loyer, chorégraphe implantée en région Centre, a fait d’une propriété familiale un lieu ouvert : « La Pratique » accueille les artistes en résidence et favorise les moments de partage et de lien aux habitants. Quand il n’est plus seulement question d’implanter, mais d’habiter…

 

Nathalie Yokel

 

Le Pavillon Noir : Ballet Preljocaj, Centre Chorégraphique National d’Aix-en-Provence, 530 avenue Mozart, CS 30824, 13627 Aix-en-Provence cedex 1. Tél. : 04 42 93 48 00. www.preljocaj.org

La Briqueterie, Centre de Développement Chorégraphique du Val-de-Marne, 17 rue Robert Degert, 94400 Vitry-sur-Seine. Tél. : 01 46 86 17 61. www.alabriqueterie.com

Klap, Maison pour la danse, 5 avenue Rostand, 13003 Marseille. Tél. : 04 96 11 11 20. www.kelemenis.fr

La Jetée, centre d’art et de ressources chorégraphiques, Neyrac Ciné, site Thermal de Neyrac, – Neyrac le haut, 07380 Meyras. Tél. : 04 07 811 07 836. www.format-danse.com

La Pratique, 1 place Pillain, 36150 Vatan. info@lapratique.org.  www.lapratique.org

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