Marraine des élèves-comédiens

« L’essentiel de mon travail a consisté en une pédagogie du théâtre de répertoire. En France, contrairement à l’école russe, l’enseignement du théâtre est plus libre. Or je souhaitais définir des axes de jeu, une méthode. Molière, Corneille, Sophocle et Shakespeare : il était important que les élèves sortent de l’école en ayant parcouru les grandes œuvres du répertoire. Le plus difficile c’est d’avoir l’air naturel, moderne et vrai en jouant les auteurs classiques. Apprendre à jouer une situation et jouer un texte qui n’est pas le sien est un art long et complexe. Les jeunes comédiens sont souvent rétifs aux textes classiques, qu’ils trouvent ampoulés et faux. Ils pensent être seuls porteurs de poésie, hors de la puissance des images. C’est possible au cinéma, mais l’art de l’acteur de théâtre ne peut le permettre. Au théâtre, on apprend à jouer des situations non-ordinaires de gens non-ordinaires ! Il s’agit d’être vrai avec une écriture qui n’est pas normale et qui est la langue d’un autre. C’est cette nécessité de se frotter à l’altérité qui m’a donné l’idée du projet des Croquis de voyage, mené avec Jean-Pierre Thibaudat. Ce voyage est la grande aventure de leur troisième année, comme une parenthèse d’un mois, libre et solitaire dans leur formation, qui les arrache à un rapport autocentré à l’art et au cocon de l’école. Après je n’interviendrai plus, sinon pour les aider à reformuler leurs acquis, je ne voulais pas enseigner en troisième année. C’est Alain Françon qui sera le parrain de la promotion suivante. »

Propos recueillis par Catherine Robert