Un appel à la liberté créatrice
Après Affreux, bêtes et pédants, satire [...]
Le metteur en scène Jacques Vincey plonge Yvonne, Princesse de Bourgogne, de Witold Gombrowicz, dans l’ici et le maintenant d’une cour royale contemporaine. L’histoire d’une empotée dont les fiançailles vont faire l’effet d’une bombe.
Les uns jouent au ping-pong, les autres font du fitness, du stretching sur un espalier de gymnastique, du running sur un tapis de course… Tout cela, pendant que le public entre pour assister à la version d’Yvonne, Princesse de Bourgogne créée par le nouveau directeur du Centre dramatique régional de Tours. Dans un intérieur bourgeois – version design contemporain – entouré d’un jardin tropical dont la luxuriance tranche avec les lignes pures de l’univers intérieur (la scénographie est de Mathieu Lorry-Dupuy), les comédiens s’activent durant un long moment. Ils attendent que tout le monde soit installé pour commencer de s’adresser aux spectateurs. Car la représentation conçue par Jacques Vincey fait la part belle aux interactions entre gradin et plateau. Assez vite, l’assistance comprend qu’elle devra participer au spectacle. Elle joue ici le rôle du peuple sur lequel règne la cour royale imaginaire sortie de l’esprit de Witold Gombrowicz (1904-1969).
Yvonne : un élément de décomposition
C’est ainsi des rangs du public que sort Yvonne (Marie Rémond), jeune femme « empotée, apathique, anémique, timide, peureuse et ennuyeuse », pour reprendre les mots de l’auteur, à laquelle l’héritier du trône (Thomas Gonzalez) choisit, par défi, de se fiancer. Un défi contre sa propre nature, ses propres impulsions, qui va provoquer un véritable séisme. Introduite à la cour, la taciturne Yvonne se met à agir, bien malgré elle, comme un élément de décomposition, révélant les personnalités viciées et souterraines du Roi (Alain Fromager), de la Reine (Hélène Alexandridis), du Chambellan (Jacques Verzier). Soucieux de retrouver leur stabilité, tous se liguent pour faire disparaître celle qui les menace au plus profond d’eux-mêmes… Au centre d’une représentation qui, même si elle va parfois trop chercher le public, parvient à mettre en lumière tous les plis, tous les replis de cette comédie brillante et féroce, Marie Rémond et Thomas Gonzalez sont admirables. La réussite du spectacle doit beaucoup au couple qu’ils forment. Profonds, sensibles, les deux comédiens nous troublent et nous réjouissent. Ils font résonner haut et fort les questionnements ontologiques sur lesquels se fonde toute l’œuvre de l’écrivain polonais.
* Testament, Editions Gallimard, 1996.
Manuel Piolat Soleymat
Les mardis et vendredis à 20h30 ; les mercredis, jeudis et samedis à 19h30, les dimanches à 16h. Durée de la représentation : 2h15. Tél. : 01 55 48 91 00. www.theatre71.com. Spectacle vu au Théâtre Olympia - Centre dramatique régional de Tours. Egalement du 4 au 7 Novembre 2014 au Nouveau Théâtre d’Angers, du 12 au 14 novembre à la Comédie de Béthune, du 3 au 7 décembre au Théâtre national de Bordeaux en Aquitaine
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