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Théâtre - Critique

White Dog : la compagnie Les Anges au Plafond explore l’humanisme de Romain Gary

White Dog : la compagnie Les Anges au Plafond explore l’humanisme de Romain Gary - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre 14
White Dog par Les Anges au Plafond. © Vincent Muteau

Reprise / Théâtre 14 / d’après Chien Blanc de Romain Gary / conception et mes Les Anges au Plafond

Publié le 20 février 2023 - N° 308

Deux ans après R.A.G.E., la compagnie Les Anges au Plafond explore à nouveau l’humanisme de Romain Gary en portant à la scène White Dog. Un théâtre politique où le jeu marionnettique interroge avec talent la question de la haine raciale.

Comment appréhender cette expérience décourageante et cette vérité pénible qui télescope « l’amour des chiens et l’horreur de la chiennerie » ? Comment combattre, si c’est possible, le basculement du familier vers la brutalité meurtrière ? Les conditionnements qui fabriquent de la haine ? La question taraude tous les humanistes, dont fut l’auteur Romain Gary, et aussi nombre d’artistes en ce moment. La talentueuse compagnie Les Anges au Plafond, qui a voulu interroger les thèmes de la monstruosité et de la violence suite aux attentats de novembre 2015, se fonde sur le saisissant roman White Dog (1970, Editions Gallimard) pour l’explorer, et on se dit d’emblée que l’art de la marionnette et les manipulations qu’il orchestre peuvent résonner avec force dans un cadre historique aussi polarisé et violent. En effet, le roman, largement autobiographique, fait écho à l’Amérique des années 1960, aux bouleversements du Mouvement des Droits Civiques et aux émeutes raciales qui suivirent l’assassinat de Martin Luther King le 4 avril 1968. L’écrivain vit alors à Los Angeles avec son épouse Jean Seberg, militante très engagée dans la cause de l’égalité. Tous deux recueillent un berger allemand doux et affectueux, Badka, qui s’avère être un « chien blanc », soit un chien spécifiquement dressé pour attaquer les Noirs.

La fraternité en question

Une histoire qui donne « envie de mordre » tant elle témoigne de la cruauté de l’homme ! Faut-il capituler et se débarrasser du chien ou tenter de le rééduquer ? Romain tente le pari de la rééducation. La compagnie a conçu un dispositif scénographique structuré par son matériau de prédilection, le papier. A partir du plateau comme page blanche, et de divers usages – jeux d’ombres et de lumières, projections, écriture en direct, sculpture, pop-up, tournette où surgissent diverses situations… -, la pièce interroge non seulement les moyens de la lutte mais aussi la perception du tumulte de l’histoire en marche, et l’acte de création artistique même. Les très belles marionnettes de Jean Seberg et Romain Gary, ou celle du chien, boule de papier sujette à métamorphoses que Brice Berthoud manipule remarquablement, sont très réussies. Le comédien interprète le narrateur, tandis que le personnage de Romain prend corps par sa marionnette. La batterie jazz d’Arnaud Biscay, pleinement intégrée au jeu théâtral, ajoute une tension et une urgence à l’histoire. A travers la narration démultipliée, diffractée, à travers l’évocation d’une société américaine malade, la mise en scène interpelle le public sur le monde d’aujourd’hui. La relation qui se noue entre marionnettiste et marionnette, et entre le récit et sa trace artistique, met en jeu un théâtre politique. Un théâtre qui invite à réfléchir au fameux rêve de King et à tout ce qui l’entrave.

Agnès Santi

A propos de l'événement

White Dog
du mardi 7 mars 2023 au samedi 25 mars 2023
Théâtre 14
20, avenue Marc Sangnier 75014 Paris

mardi, mercredi et vendredi à 20h00, jeudi à 19h00.

Tel : 01 45 45 49 77. Durée 1h35. Spectacle vu  au Théâtre Mouffetard.

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