Poudre noire
Inspiré de l’histoire de Sarah Winchester, [...]
Habitué aux projets puisant en dehors des frontières du répertoire théâtral, Dorian Rossel transpose à la scène Voyage à Tokyo de Yasujiro Ozu. Sans parvenir à retrouver la force de ce chef-d’œuvre du cinéma.
C’est en 2009, à l’occasion de son travail sur Quartier Lointain, œuvre de l’auteur de mangas Jirô Taniguchi, que Dorian Rossel a découvert le cinéma de Yasujiro Ozu. Captivé par la maestria et la délicatesse qui caractérisent le cinéaste japonais (1902-1963), le fondateur de la compagnie suisse STT a formé le projet non pas de réaliser une adaptation scénique littérale de Voyage à Tokyo, mais d’apporter plus librement une réponse théâtrale à ce chef-d’œuvre considéré comme l’un des plus grands films de l’histoire du cinéma. Un film sorti en 1953, au sein duquel Ozu relate le voyage d’un couple de retraités quittant pour la première fois son village pour rendre visite à ses enfants dans la capitale nippone. Mais cette arrivée chamboule le mode de vie des citadins qui ont du mal à adapter leur emploi du temps à la présence de leurs parents. Afin de se libérer de cette contrainte, ils envoient ces derniers passer quelques jours au bord de la mer. Mal à l’aise, les retraités décident d’écourter leur séjour. Ils rentrent à Tokyo et mettent un terme à ce rendez-vous manqué qui aura été – personne ne le sait encore – leur dernière chance de bonheur familial.
Yoshi Oïda, une ouverture vers l’évidence
Cette histoire est très simple. Sans grands effets d’intrigue, elle joue essentiellement sur la relation au temps et aux choses du quotidien que Yasujiro Ozu parvient à rendre bouleversante dans son film. Créée en septembre dernier à Genève, la proposition de Dorian Rossel a du mal à faire naître cette profondeur. On sent, pourtant, une certaine exigence. Une volonté de favoriser le creux par rapport à l’effet, de faire émerger, notamment par le biais des lumières d’Abigail Fowler, des atmosphères marquantes. Mais, ici, les flottements l’emportent sur la poésie. Et si ce n’était l’interprétation étonnamment dense de Yoshi Oïda (qui joue le rôle du père, aux côtés des comédien-ne-s Rodolphe Dekowski, Xavier Fernandez-Cavada, Delphine Lanza, Fiona Sanmartin et Elodie Weber, ainsi que des musiciens Alex Muller Ramirez et Immanuel de Souza), ce Voyage à Tokyo manquerait singulièrement de corps. Le grand acteur japonais (qui fut l’un des compagnons de route de Peter Brook) ouvre la voie – à travers sa diction, son regard, sa présence si personnelle – à une forme d’évidence. Faisant se rejoindre évanescent et immuable, intime et ligne d’horizon, il rehausse d’une forme de grâce ce qui reste un petit moment de théâtre.
Manuel Piolat Soleymat
Le mardi, mercredi, jeudi et samedi à 20h, le vendredi à 19h, le dimanche à 16h. Durée de la représentation : 1h30. Spectacle vu le 12 octobre 2016 à la Maison des Arts de Créteil. Tél. : 01 40 03 72 23. www.theatre-paris-villette.fr
Egalement le 22 novembre à la Scène nationale de Cavaillon, les 24 et 25 novembre au Merlan à Marseille, les 29 et 30 novembre au Théâtre de Caen, du 11 au 13 mai 2017 au Théâtre Vidy Lausanne, le 17 mai 2017 à la Scène nationale de Dieppe.
Inspiré de l’histoire de Sarah Winchester, [...]