Edgar Paillettes
La compagnie québécoise L’Arrière Scène, la [...]
Ex-jongleur devenu artiste-performeuse, Phia Ménard (anciennement Philippe) fait suite à sa création avec la glace (P.P.P) en se confrontant à la force de l’air. Cinquante minutes de grâce, de trouble et de poésie. Tout simplement magistral.
Il faudrait ne pas trop en dire, réussir à convaincre les spectateurs de se rendre au théâtre sans pour cela avoir à décortiquer, à creuser de façon trop explicative cette expérience des sens et de l’imaginaire. N’éclairer que le juste, le strict nécessaire : en ne dévoilant rien des saisissements et des fulgurances que provoque Vortex*, rien de la profondeur à travers laquelle cette installation-performance nous amène à explorer la question de l’identité, de l’anormalité, de la transformation. Il faudrait, ainsi, présenter ce grand moment de théâtre visuel (créé au Centre dramatique national de Normandie, en octobre 2011) en conservant intacte toute sa magie, tout son mystère. On pourrait donc dire qu’en cinquante minutes, sans prononcer un mot, la fondatrice de la compagnie Non Nova retraverse la métamorphose intime qui a été la sienne en se confrontant aux forces fluctuantes et tourbillonnantes de l’air. Des forces qui, au sein d’un espace scénique circulaire bordé d’une ronde de ventilateurs, déclenchent des ballets et des combats corporels d’une beauté captivante.
Le vent comme matière de transformation
« Qui de la surface ou de la profondeur de l’Etre sommeille en nous ?, se demande Phia Ménard. Comment échapper à l’emprise des artifices pour laisser paraître ce que nous sommes ? J’ai envie de briser les carcans, d’affronter des “mues” pour tenter d’effleurer la liberté d’être. » Chapeautée, entièrement dissimulée sous des couches et des couches de matières plastiques, Phia Ménard apparaît d’abord sous l’apparence d’un personnage inquiétant. Car, à bien des égards, la traversée existentielle à laquelle se livre l’interprète de Vortex nous renvoie à des images de cauchemar. Un cauchemar obscur, énigmatique, davantage intrigant qu’angoissant, dont la noirceur laisse peu à peu la place à des trouées de clarté, à l’émotion d’une renaissance graduelle. Il y quelque chose de Kafka, dans cette échappée aux accents fantasmagoriques, quelque chose de certains dessins animés de Miyazaki. Sur des tas de bruissements qui grondent, comme sur Le Prélude à L’après-midi d’un faune de Debussy, Phia Ménard nous transporte au-delà du temps : dans un monde où s’expriment et surgissent les fondements de l’être.
Manuel Piolat Soleymat
à 20h. Tél : 01 48 70 48 90. Durée : 50 minutes. Spectacle vu au Monfort.