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Théâtre - Critique

Vincent Dussart met en scène « Ma Forêt fantôme » de Denis Lachaud, une exploration droite et sincère dans les années sida

Vincent Dussart met en scène « Ma Forêt fantôme » de Denis Lachaud, une exploration droite et sincère dans les années sida - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre de Belleville
Ma Forêt fantôme, mis en scène par Vincent Dussart. © Corinne Marianne Pontoir

Théâtre de Belleville / texte Denis Lachaud / mise en scène Vincent Dussart

Publié le 20 avril 2023 - N° 310

Après Je ne marcherai plus dans les traces de tes pas, d’Alexandra Badea, le metteur en scène Vincent Dussart crée le deuxième volet de son cycle Les Fantômes de l’intime. Il présente Ma Forêt fantôme, de Denis Lachaud, au Théâtre de Belleville. Une plongée dans les années sida qui croise le chemin d’une victime d’Alzheimer.

Il est question de maladies, du VIH et d’Alzheimer. Il est question de disparus et de survivants, de deuil, d’accompagnement vers la mort. Il est question des années 1980, festives et funestes, qui virent les communautés homosexuelles dévastées par ce qu’on appelait, alors, le cancer gay. Il est question de résilience, de confidences, de l’histoire d’une époque et d’histoires intimes, profondes, mais comme survolées par la pièce de Denis Lachaud qui ne donne pas toute la mesure d’un sujet dont les enjeux devraient résonner, aujourd’hui encore, de façon étourdissante. Les chiffres de l’Organisation mondiale de la santé (établis à l’été 2022) sont éloquents. Rappelons-les. Près de 40 millions de malades sont décédés des suites du sida depuis le début de l’épidémie, à peu près le même nombre de personnes vit de nos jours avec le VIH. Dans Ma Forêt fantôme, Nicolas (Gautier Boxebeld), le compagnon de Jean (Xavier Czapla), meurt lui-même du sida. La sœur de Jean, Suzanne (Sylvie Debrun), perd au même moment son époux, Paul (Patrick Larzille), emporté par la maladie d’Alzheimer. Mais ici, vivants et morts ne sont pas séparés les uns des autres. Ils partagent la même scène, transgressent les frontières entre passé et présent pour nous raconter leur vie. Ils le font sans pathos, entre légèreté et gravité.

Un travail de consolation

Le spectacle mis en scène par Vincent Dussart enrichit de chansons les récits tour à tour introspectifs et historiques de ces quatre personnages. C’est Patrice Gallet, tout en muscles, escarpins à paillettes aux pieds, qui fait entrer dans cet espace-temps éclaté l’atmosphère pop-disco des années 1980. Stroboscope. Boule à facettes. Hits de Donna Summer dans leur version d’origine ou revisités à la guitare électrique. La version de Ma Forêt fantôme signée par le directeur artistique de la Compagnie de l’Arcade (fondée en 2001, installée à Soissons) doit beaucoup au contrepoint charnel, musical, poétique qu’apporte cette présence à la fois ludique et sensible. Elle bénéficie également de l’émotion transmise, en fin de représentation, par le comédien Gautier Boxebeld. Pour le reste, on retraverse dans ses grandes lignes une tragédie sanitaire qui fut aussi sociétale. Sans grand trouble, de manière un peu documentaire. On aurait aimé vibrer davantage à l’écoute de ces destins brisés. Cette proposition droite et sincère, sinon entièrement aboutie, nous permet malgré tout de nous souvenir. Elle s’offre comme un travail de mémoire et de consolation.

Manuel Piolat Soleymat

A propos de l'événement

Ma forêt
du dimanche 9 avril 2023 au dimanche 30 avril 2023
Théâtre de Belleville
94 rue du Faubourg du Temple, 75011 Paris

Le lundi à 19h, le mardi à 21h15, le dimanche à 17h. Durée de la représentation : 1h20. Tél. : 01 48 06 72 34. www.theatredebelleville.com

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