La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

Véronique Bellegarde

Véronique Bellegarde - Critique sortie Théâtre
Crédit photo : Philippe Delacroix

Publié le 10 janvier 2012 - N° 194

Zoltan le magnifique

Véronique Bellegarde met en scène Zoltan, d’Aziz Chouaki : un mythomane bouffon s’invente une carapace de fantasmes pour se protéger de la guerre, mais tombe sous les coups de l’amour.

Comment avez-vous découvert ce texte ?
Véronique Bellegarde : Lors d’un week-end à Saint-Denis, au TGP, qui organisait une traversée de l’œuvre d’Aziz Chouaki. A l’épreuve du plateau, on a constaté le potentiel de jeu de ce texte, avec lequel l’auteur s’échappe de l’Algérie et élargit son propos. Il y parle du chaos du monde et de l’homme en perpétuelle guerre avec lui-même et les autres, sans contexte précis, même si ça se passe dans les Balkans, dans la frustration d’après la chute du Mur et le rêve américain. C’est ce que je trouve beau dans cette pièce : Chouaki y parle de politique à travers l’humain et par la poésie. La mythomanie de Zoltan est une résistance par l’imagination. Il vend du rêve. « Je vends du vent et des voiles », dit-il. Comme les enfants quand ils racontent des histoires… Zoltan répond à un besoin de rêve collectif.
 
Qui est Zoltan ?
V. B. : Zoltan arrive dans un petit bar, près d’une gare, dans un contexte de déchirement civil et de guerre communautaire. On ne sait pas d’où il vient, mais il amène un ailleurs : il vient de l’autre côté du pont, et il prétend être ami avec Woody Allen, Zidane, connaître Georges Bush. Il a élaboré tout un système pour rendre crédibles ses mensonges, grâce à des voix enregistrées sur son portable. C’est le roi de la technologie et des ordinateurs. Il crée une sorte d’aimantation autour de lui. Il croise alors une jeune femme, Pluvia, personnage assez onirique, antithèse de la poupée américaine, autodidacte qui fabrique ses robes elle-même : cette rencontre déglingue tout son système. Son langage se fissure complètement, et on assiste à la cassure de son mental par l’amour. Enfermé dans sa machine de langage, il devient fou. Il y a un humour très noir dans cette pièce, mais aussi beaucoup de mélancolie. Car l’illusion est mise en échec. Peut-on résister par l’imaginaire ? La fin de la pièce ne va pas dans ce sens-là…
 
 « La mythomanie de Zoltan est une résistance par l’imagination. »
 
Comment s’organise la mise en espace et en scène de cette résistance par l’imaginaire ?
V. B. : Pour l’espace scénique, je me suis plongée dans la tête de Zoltan, en me disant que ce qu’il voit est à côté de la réalité, et que tout est déformé par le prisme de sa fantaisie. L’action se passe dans le bar. En flash back, il revoie les situations antérieures de sa mémoire émotive. La musique constitue une part importante du spectacle. Elle traduit le mental, la mémoire sensuelle de Zoltan. Je travaille avec Médéric Collignon, et je fais exister sa musique par le moyen d’une sorte de radio libre ingérable, qui intervient hors de toute maîtrise. Le décor est fait de terre rouge. Les plantes, les racines seront en fil électrique. La nature est devenue un peu bizarre. Toutes les machines sont déglinguées : les hommes ne les maîtrisent plus. L’action se situe au moment de la guerre des Balkans, sans doute dans les années 2000. Mais j’ai voulu élargir la situation, hors du folklore, en cherchant surtout une couleur très personnelle et une identité très forte pour chaque personnage.
 
Propos recueillis par Catherine Robert


Zoltan, d’Aziz Chouaki ; mise en scène de Véronique Bellegarde. Du 12 janvier au 12 février 2012. Du mardi au samedi à 21h ; dimanche à 16h. Théâtre Nanterre-Amandiers, 7, avenue Pablo-Picasso, 92022 Nanterre. Tél : 01 46 14 70 00.

A propos de l'événement


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