La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

Valérie Dréville

Valérie Dréville - Critique sortie Théâtre

Publié le 10 juin 2008

Un festival rêvé comme une carte du ciel

Familière du Festival d’Avignon où elle a joué une quinzaine de fois et où elle dit revenir comme en sa Cerisaie, Valérie Dréville est cette année, avec Roméo Castellucci, artiste associée du Festival.

Comment concevez-vous votre rôle d’artiste associée au Festival d’Avignon ?
Valérie Dréville : L’artiste associé est, à proprement parlé, une source d’inspiration. Ce n’est pas lui qui construit la programmation. Avec Hortense Archambault et Vincent Braudriller, nous avons beaucoup parlé. Vincent et Hortense se sont nourris de l’intérieur de ces discussions, et, à partir de là, se sont mis à rêver un festival. Cela a créé pour eux comme pour nous une forme de déplacement fécond. Je me suis retrouvée à un endroit où je n’étais pas actrice mais puisais dans ma mémoire de spectatrice et d’actrice pour parler avec eux de théâtre. Cela m’a obligée à changer ma perception des choses et ma réflexion. Evidemment, nous avons parlé ensemble de la programmation, mais davantage depuis l’endroit de la création que depuis celui de la programmation proprement dite. Un festival, c’est une carte du ciel : il faut la rêver et rêver autour d’elle pour qu’au milieu rayonne quelque chose qui relève en son cœur du processus d’un spectacle.
 
Comment votre rencontre avec Roméo Castellucci s’est-elle passée ?
V. D. : Je le connaissais comme spectatrice. Je n’ai pas vu tous ses spectacles mais j’ai été troublée par eux à chaque fois. Ça a été très intéressant de voir comment des pratiques tellement différentes que les nôtres se retrouvent dans des problématiques communes. La rencontre avec lui a été passionnante. Celle-ci convoque un étrange déplacement ; en effet, il est metteur en scène, je suis comédienne : on devrait faire du théâtre ensemble et on fait un festival ! Le point commun sur lequel je me retrouve avec lui, c’est dans l’interrogation sur la capacité à faire naître une image, à partir de la part poétique du travail de l’acteur, du scénographe, du metteur en scène. Nous n’avons pas la même sensibilité mais je comprends la sienne qui me stimule, me donne envie de travailler, me met en route, en mouvement.
 
« L’artiste associé est, à proprement parlé, une source d’inspiration. »
 
Comment croisez-vous le travail de Roméo Castellucci sur La divine Comédie ?
V. D. : La présence de La divine Comédie au Festival est venue de Roméo Castellucci. A partir de là, j’ai pris la décision de lire quelques chants, comme une sorte de contrepoint à son travail. J’ai travaillé autour de la recherche de la traduction juste, d’une structure de spectacle qui la raconte et j’ai réuni une petite troupe pour dire cela. Serge Maggiani lira en français et en italien, Dominique Valadié, Redjep Mitrovitsa, Serge Merlin, Michaël Lonsdale et moi-même liront en français. Ce qu’il y a de troublant quand on lit La divine Comédie, c’est combien Dante y est présent : il est à la fois l’écrivain et l’acteur de son récit, il se regarde en poète faire ce voyage et en même temps il le fait. De plus, on a l’impression que Dante nous parle directement à nous, lecteurs. C’est cette impression que j’ai voulu donner aux spectateurs, avec rien d’autre que des gens debout sur une scène, seuls intermédiaires entre Dante et le spectateur comme le livre est le seul intermédiaire entre Dante et son lecteur.
 
Vous avez voulu rendre hommage à Antoine Vitez lors de cette édition 2008.
V. D. : J’aimerais beaucoup que la chose ne soit pas un de ces hommages tournés vers le passé où celui qui rend hommage se rend surtout hommage à lui-même ! J’ai voulu plutôt une « nostalgie de l’avenir » pour reprendre les mots de Vitez, qui questionne l’œuvre en devenir plutôt que l’œuvre déjà passée. Nous avons donc essayé de prendre la matière de cette pensée et d’en faire du théâtre en forme de rendez-vous autour de thèmes différents. Eloi Recoing autour de la marionnette, la question de la traduction avec Georges Banu, Georges Aperghis sur les thèmes de la musique et de la poésie, un rendez-vous sur Vitez et les acteurs, un autre sur Vitez et Claudel : il s’agit de convoquer jour après jour, entre spectacle et rencontre, cette pensée en mouvement qui continue de nous faire penser et de nous mettre en jeu avec comme matériaux ses textes, ses poèmes, ses entretiens et ses photos.
 
Propos recueillis par Catherine Robert


Le Partage de midi  de Paul Claudel, Festival d’Avignon du 4 au 26 juillet, mise en scène Gaël Baron, Nicolas Bouchaud, Charlotte Clamens, Valérie Dréville, Jean-François Sivadier à la Carrière de Boulbon, durée 2h45mn. Rens : www.festival-avignon.com

A propos de l'événement

Festival d’Avignon

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