Anne Bisang adapte Salomé, le poème tragique d’Oscar Wilde exaltant la détermination inflexible de la jeune fille. Une représentation qui suscite l’ennui, sauf lorsqu’elle adopte une vision burlesque et distanciée de l’intrigue.
La pièce d’Oscar Wilde, rédigée en français en 1891 lors d’un séjour à Paris, inspirée du théâtre de Maeterlinck, met en présence trois personnages principaux : Salomé, jeune fille éprise d’absolu, exprimant son désir avec une rare force de caractère, le Tétrarque de Judée Hérode, qui ne cesse de regarder la jeune fille et veut qu’elle danse pour lui, et son épouse Hérodias, mère de Salomé. Iokanaan le Prophète est présent aussi par sa voix et par les sentiments extrêmes qu’il fait naître chez les protagonistes : l’amour chez Salomé, la peur chez Hérode, la rancoeur chez Hérodias. Salomé dansera pour Hérode, qui promet de lui accorder ce qu’elle voudra. Elle réclamera la tête de Iokanaan, qui a refusé son amour car il se voue à Dieu à l’heure du christianisme naissant. Une tête qui sera apportée dans un “bassin d’argent“, dont elle baisera la bouche. Lors de la saison londonienne en 1892, c’est Sarah Bernhardt qui devait interpréter le rôle, mais Lord Chamberlain a interdit la pièce car elle mettait en scène des personnages bibliques.
Une forme de grandiloquence
Anne Bisang s’est en partie inspirée du film muet de Charles Bryant avec Alla Nazimova dans le rôle-titre, et apprécie le champ de jeux multiples entre symbolisme, humour noir, décalages burlesques et confrontations brutales qu’offre la pièce. La mise en scène oscille entre deux approches : une restitution pleinement tragique de l’histoire, et une vision burlesque et distanciée des relations paroxystiques des personnages. Or la tragédie ici ne passe pas et suscite plutôt l’ennui, peut-être parce que le style lapidaire et imagé d’Oscar Wilde demeure éloigné de la majesté du vers racinien ou de l’exceptionnelle profondeur de sentiments exprimée par Shakespeare. Peut-être aussi parce que la mise en scène se laisse piéger par une forme de grandiloquence qui ne peut pas véritablement incarner le feu de la jeunesse indomptable. La scène de la fameuse danse des sept voiles, platement illustrative, ne peut qu’être vouée à demeurer en deçà des effets escomptés… Les acteurs, Georges Bigot en tête dans le rôle d’Hérode, ainsi que Lolita Chammah en Salomé et Vanessa Larré en Hérodias, font pourtant la preuve de leur talent. Mais ce n’est que lorsqu’ils jouent finement la carte du burlesque que la représentation devient piquante et pertinente. Cette Salomé, par sa grandiloquence et sa véhémence affichées, d’allure moderne, évoque d’ailleurs le dandy Wilde lui-même, qui allait bientôt connaître la geôle de Reading…
Something Wilde, d’après Salomé, d’Oscar Wilde, mise en scène d’Anne Bisang. Du 19 octobre au 14 novembre, mardi à 20h, mercredi et jeudi à 19h, vendredi à 20h30, samedi à 16h et 20h30, dimanche à 16h. Théâtre Artistic Athévains, 45bis, rue Richard-Lenoir, 75011 Paris. Tél : 01 43 56 38 32.