La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Une laborieuse entreprise

Une laborieuse entreprise - Critique sortie Théâtre Paris Theatre de Poche
Léviva (Luciana Velocci Silva) et Yona (Yann Denécé) Crédit : Pascal Gely

Théâtre de Poche / de Hanokh Levin / trad Laurence Sendrowicz / mes Myriam Azencot

Publié le 26 octobre 2015 - N° 237

Drame de la quotidienneté, la tragédie du couple au cœur d’« Une laborieuse entreprise » est frontalement mise en scène par Myriam Azencot. 

La sagacité magnifique et terrible de cette figure majeure du théâtre israélien, Hanokh Levin, s’applique dans « Une laborieuse entreprise » à révéler la misère d’un couple usé par trente années de vie commune. Comment s’échapper, quand embourbée dans les redoutables méandres du quotidien, la vie elle-même s’est échappée ? La médiocrité des tentatives de fuite comme de sauvetage n’a d’égale que la risibilité dramatique du tragique d’une situation existentielle banale à faire peur. L’auteur doté d’un humour féroce, d’une lucidité non exempte de compassion, excelle dans le genre. Léviva et Yona Popokh se déchirent, en pyjamas, sous nos yeux. Que s’avouent-ils lors de cette hystérique nuit blanche où le souvenir de l’amour englué fourbit les armes du ressentiment présent ? Lui, qui, « même en rêve n’a pas été bien loin » veut partir, « prendre le large, le large ». Elle, qui « a passé sa vie à investir en lui », veut rester et ranimer la flamme. Que peuvent-ils faire de cette hantise du vieillissement et de la mort qui leur reste en partage quand il n’est même plus temps de se séparer, la dévoration chronologique ayant fait son œuvre ?

Une métaphorique guerre domestique

Le dérisoire minable de la petite économie conjugale dépeinte dans cette « laborieuse entreprise » trouve son répondant dans un décor flirtant avec le misérabilisme. Tout est en toc. C’est mort. Sur la table ronde en plastique  assortie de ses deux fauteuils trône un pot de géraniums, lui-même plastifié, auquel fait écho celui posé, à côté de la photo de mariage, sur le petit frigidaire à l’arrière-plan. Un lit de camp – comme il se doit – occupe les devants de la scène de cette « guerre domestique ». La  « lisibilité », ligne de force choisie par la metteur en scène Myriam Azencot et poussée, selon son intention, « jusqu’à l’évidence » n’atteint pas seulement  ses fins dans la métaphore scénographique, elle est aussi sensible dans le jeu des acteurs conviés à mettre leur « plastique au service du drame intérieur ». Luciana Velocci Silva (Léviva) et Yann Denécé (Yona), très exposés par la nature de la pièce et par la configuration du rapport scène/salle, font preuve d’une belle maîtrise de leur art dans cet exercice périlleux. Cédric Revollon dans le rôle de Gounkel, ce voisin en proie aux affres d’une solitude démentielle et survenant dans le drame comme antidote à la tentation de la séparation, fait une apparition remarquée.

Marie-Emmanuelle Galfré

 

A propos de l'événement

Une laborieuse entreprise
du mardi 22 septembre 2015 au dimanche 29 novembre 2015
Theatre de Poche
75 Boulevard du Montparnasse, 75006 Paris-6E-Arrondissement, France

Du mardi au samedi à 21h, le dimanche à 15h. Tél : 01 45 44 50 21. www.theatredepoche-montparnasse.com

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