En Filigrane
Ibrahima Sissoko et Ophélie Gaillard se sont [...]
Danse - Entretien / Bouchra Ouizguen
Dix jours de représentation, pour deux spectacles marquants de la chorégraphe marocaine.
« Lorsque j’ai décidé de monter sur scène non plus seulement en solo, mais avec une troupe, j’ai pensé aux artistes qui m’avaient transmis, enfant, le désir de devenir danseuse : les femmes artistes de la tradition de la aïta, qui jouent, chantent, dansent, content lors des mariages et des fêtes, ou dans les cabarets. Lorsque j’ai eu assez confiance en moi pour aller les rencontrer, le projet s’est imposé de monter avec elles non seulement un spectacle, mais une compagnie. Depuis huit ans, Kabboura Aït Ben Hmad, Fatéma El Hanna et Naïma Sahmoud, qui avaient derrière elles une carrière d’une trentaine d’années, ne se produisent plus dans les mariages ou les cabarets, et se consacrent à cette compagnie ; quant à moi, j’ai trouvé en elles des partenaires exceptionnelles, avec lesquelles je partage une véritable expérience de vie.
Riche culture orale
En 2009 nous avons créé Madame Plaza, qui évoque ce qu’elles sont avant d’aller chanter, ou quand elles rentrent chez elles après une prestation. C’est un espace de liberté pour exprimer ce que l’on ne veut pas entendre chez elles, qui ne sont censées apporter que la joie et la fête… Apparaissent alors la mélancolie, la lassitude, voire la souffrance qu’inclut aussi l’existence qu’elles ont choisie. Dans Ha !, créé en 2012, nous nous penchons sur les rituels qui, au Maroc, accompagnent les maux de l’âme (ceux pour lesquels, en Europe, on consulte des psychothérapeutes). Nous avons créé une sorte de nouveau rituel, en travaillant sur nos propres folies, nos désirs de femmes artistes. Dans ces deux pièces, il s’agit donc de puiser dans les arts populaires : la culture orale est d’une extraordinaire richesse au Maroc, or j’ai toujours eu l’impression que la création chorégraphique et théâtrale restait coupée de cette richesse, ou qu’on dénaturait ces arts en les exposant sans reconnaître leur âme. Nous tâchons de nous concentrer sur ce que ces expressions ont de plus profondément singulier – et, simultanément, ce qui les rend universelles. »
Propos recueillis par Marie Chavanieux
Ha ! Du 19 au 21 et du 24 au 28 mars. Madame Plaza les 22 et 29 mars. Mercredi, vendredi et samedi à 20H30, mardi et jeudi à 19H30, dimanche à 17H, relâche lundi 23 mars. Tél. : 01 48 70 48 90.
Ibrahima Sissoko et Ophélie Gaillard se sont [...]