Une heure en ville par Frédéric Constant
Sept personnages surgis de l’univers de Franz [...]
Le Nouveau Théâtre de Montreuil présente la saison 1 d’Une faille, un feuilleton théâtral, à suivre jusqu’en juin. Un pari intéressant et original, et, surtout, une vraie réussite esthétique et technique.
Adepte de l’idée de « spectacle total », Mathieu Bauer a toujours fédéré autour de ses projets les apports du jeu, de la musique, du récit, des images et de la scénographie, dans un bel esprit d’harmonie et de synthèse. Son nouveau spectacle creuse la veine de cet équilibre entre parties et partitions. Le plateau coordonne trois espaces : la buanderie, dans laquelle sont retenus les cinq survivants du drame, nœud de l’intrigue, l’espace public, dans lequel le chœur des citoyens observe la situation et la commente, l’espace virtuel de la téléphonite aiguë du directeur de cabinet du maire, qui essaie désespérément de gérer les conséquences politiques de l’affaire. D’autres espaces s’ajoutent par le moyen de la projection d’images : sur le sol, sur le cadre de scène, sur des paravents et des rideaux. L’arrangement est remarquable : entre les points de vue, les perspectives et les lieux, empilés dans la réalité mais déployés sur scène. L’équilibre entre diachronie et synchronie est parfait. Mathieu Bauer se révèle ici un remarquable chef de troupe !
Jouissance en acte et jubilation en puissance !
Ce spectacle se veut aussi citoyen. Récemment nommé à la tête du Nouveau Théâtre de Montreuil, Mathieu Bauer a choisi de montrer et d’évoquer la ville dans laquelle il travaille, confiant l’interprétation du chœur à des amateurs de théâtre et de musique de Montreuil. Le récit fait référence à la Seine-Saint-Denis et à la ville, de manière précise dans l’analyse politique et sociale, de façon résolument désopilante dans la satire ironique de l’ancien bastion rouge, devenu réserve à bobos ! Là encore, la réussite est totale, d’autant que le texte se garde de sombrer dans l’ennui analytique ou la sociologie urbaine, grâce à de belles respirations poétiques, métaphysiques ou introspectives (éloge de Renoir, amour en fuite, Sénèque et la mort). Quant à l’intrigue, son apparente simplicité ménage, dès cette saison 1, d’intéressantes perspectives de suspense. Sous les décombres de la maison de retraite sinistrée par l’accident, Octave, le promoteur véreux, succombera-t-il aux charmes de la sublime Nathalie, mariée à un atroce banquier cynique, peut-être seul vrai responsable de la tragédie ? Nabil, le dealer de chocolat et de DVD pornos, découvrira-t-il l’amour dans les bras de la policière au grand cœur ? Jacques fendra-t-il l’armure de l’ironie ? Et, au dehors, Hugo, le jeune loup hyper communiquant, réussira-t-il à faire revenir le maire à temps, et apprendra-t-il à considérer ses concitoyens autrement que comme des administrés abrutis ? Et Suleiman… Qu’arrivera-t-il à Suleiman au prochain épisode ? Promis à Mathieu Bauer et aux siens : quelques semaines d’attente, et on revient pour la suite !
Catherine Robert
Sept personnages surgis de l’univers de Franz [...]