La dernière bande de Samuel Beckett par Alain Françon
C’est avec une affiche prestigieuse que le [...]
Longtemps fossilisé dans ses traditions, le cirque évolue aujourd’hui de manière spectaculaire. De nos jours [notes on the circus] invente dans cette perspective un art qui a beaucoup à dire.
Ce n’est certainement pas un hasard si les quatre artistes d’Ivan Mosjoukine ont pris comme nom pour désigner leur collectif celui d’un acteur russe devenu star du cinéma muet, dont la célébrité toutefois ne survécut pas à la révolution du cinéma parlant. Le cirque vit-il aujourd’hui une révolution comparable à celle du cinéma parlant ? Certainement, si l’on considère le travail de ces compagnies, que l’on rassemble sous le nom de « nouveau cirque », qui cherchent faire évoluer la pratique d’un art longtemps enfermé dans les rituels et le culte de la performance. Dans cette veine, De nos jours explore régulièrement à travers ses “notes“ le sens de ce qui se joue non plus sur la piste mais sur la scène. Qu’est-ce que ces corps qui ne doivent jamais grimacer, toujours masquer leurs efforts, qui doivent faire oublier tout le travail accompli pour aboutir à la virtuosité, qu’est-ce que ces corps ont à dire aux spectateurs ?
Hommage au tigre qui passe au-dessus du feu
Beaucoup. Car le spectacle ne s’enferme pas dans la réflexion sur le cirque et cherche à ouvrir tous les possibles. Courant de numéro en numéro – numéros rebaptisés “notes“ – les quatre artistes enchaînent rapidement des tours qui prennent d’autant plus de sens qu’on les rapproche de leur intitulé. 7- Note sur « est-ce qu’elle va déraper » : une hache à la main, la jeune femme s’approche dangereusement du public, dans un déséquilibre menaçant. 50 – Note sur le rythme rapide d’un mouvement lent ou hommage au tigre qui passe au dessus du feu : sur son fil, l’équilibriste passe rapidement au-dessus d’une rangée de projecteurs qui séquencent comme au stroboscope son lent balancement. Voilà quelques exemples de l’humour et de la poésie qui parcourent tout du long un spectacle qui a les défauts de ses qualités : la volonté de faire rire, le rythme échevelé et le propos éparpillé maintiennent parfois le spectateur dans une certaine distance. Malgré cela, sans tarder, l’inventivité, l’énergie et le talent des artistes emportent l’adhésion. Certaines notes sont même profondément émouvantes, d’autant plus qu’elles touchent à la fragilité de l’humain qu’est ce circassien longtemps transformé en machine. Deux des quatre artistes étant passés par le Conservatoire National d’art dramatique, ce n’est pas non plus un hasard si le collectif rapproche cirque et théâtre, ces deux arts qu’on a longtemps séparés (13- Note sur le décret de 1812 qui interdit la parole au cirque). Ajoutant à cela l’influence des arts plastiques, perceptible ne serait-ce qu’à travers les intitulés des notes, il devient évident que dans son hybridation le cirque se trouve aujourd’hui en pleine révolution. Et que de cette révolution, Ivan Mosjoukine se fait un très beau porte-drapeau.
C’est avec une affiche prestigieuse que le [...]