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Théâtre - Critique

Un jour, je reviendrai d’après L’Apprentissage et Le Voyage à La Haye de Jean-Luc Lagarce, mise en scène Sylvain Maurice

Un jour, je reviendrai d’après L’Apprentissage et Le Voyage à La Haye de Jean-Luc Lagarce, mise en scène Sylvain Maurice - Critique sortie Théâtre Sartrouville Théâtre de Sartrouville et des Yvelines
© Christophe Raynaud de Lage Vincent Dissez, interprète de Un jour, je reviendrai.

de Jean-Luc Lagarce / mise en scène Sylvain Maurice

Publié le 4 octobre 2020 - N° 287

Quatre ans après Réparer les vivants d’après le roman de Maylis de Kerangal, Sylvain Maurice retrouve l’admirable comédien Vincent Dissez pour porter à la scène deux brefs récits de Jean-Luc Lagarce. Echo saisissant du geste d’écrire, le monologue impressionne.

Sylvain Maurice confie apprécier la forme du monologue car elle permet à son interprète « de mettre en pratique toutes les nuances et toutes les audaces de son art, comme un funambule. » Vincent Dissez est un funambule de haut vol, qui impressionne par la maîtrise et la profondeur de son jeu. Il est rare d’assister à une leçon de théâtre de cette envergure, où l’interprétation se livre en un dialogue de chaque seconde avec le texte, en une sorte de corps-à-corps qui au creux de l’intime ouvre le sens, étonne et enchante. Vincent Dissez mobilise en une subtile et singulière conjugaison parole, corps et regard. Parole justement : celle du « je » du titre qui désigne un revenant parmi les vivants, l’auteur Jean-Luc Lagarce, emporté par le sida en 1995. Il a tenu son Journal sa vie durant, et ces deux brefs récits ont été réécrits à partir des tout derniers Cahiers, alors que la maladie le fragilise. Très travaillés, ils déploient comme dans ses grandes pièces une observation du monde précise et curieuse, que la langue s’efforce de saisir au plus juste. Encore et encore, en s’adressant sans jamais tricher à un lecteur qui existera au-delà de sa disparition, dans une forme de distance souvent joyeuse qui permet de faire reculer le désespoir et la peur de la finitude.

Incarnation d’une écriture

Le premier récit, L’Apprentissage, raconte le retour à la vie après un coma, à l’hôpital, dans un état d’extrême solitude et vulnérabilité, jusqu’à la renaissance. Le second, Le Voyage à La Haye, évoque la vie de troupe lors d’une représentation au Théâtre Royal de La Haye, avec ses affects, ses joies et ses agacements. S’il a pris l’avion alors que le reste de l’équipe a pris le train, c’est que la maladie l’a affaibli. Pourtant, même hanté par la disparition – un thème qui traverse son œuvre -, son rapport au monde ne se déprend pas de traits d’humour caustique, d’une ironie que le comédien laisse émerger de manière impeccablement précise. La mise en scène de Sylvain Maurice, subtilement soutenue par les lumières de Rodolphe Martin et la bande son de Cyrille Lebourgeois, sert au plus juste cette langue si affûtée. Ce que nous offre Vincent Dissez, c’est l’incarnation non pas d’un personnage, mais d’un personnage qui écrit, de « celui qui raconte », d’une écriture en mouvement. Une écriture merveilleusement obstinée dont on se réjouit infiniment qu’elle ne soit pas restée au fond d’un tiroir. Pour le spectacle inaugural de cette saison particulière, le Théâtre de Sartrouville propose un sommet de l’art théâtral.

Agnès Santi

A propos de l'événement

Un jour, je reviendrai
du jeudi 1 octobre 2020 au vendredi 23 octobre 2020
Théâtre de Sartrouville et des Yvelines
Place Jacques Brel, 78505 Sartrouville.

mercredi et vendredi à 20h30, jeudi à 19h30, samedi à 17h, relâche dimanche, lundi et mardi. Tél : 01 30 86 77 79. Durée : 1h15.

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