La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Treize semaines de vertu

Treize semaines de vertu - Critique sortie Théâtre
Photo : Mathias Poisson Légende photo : La sincérité, une vertu de Benjamin Franklin par Stéphane Olry.

Publié le 10 octobre 2007

Espièglerie ludique pour un sage exercice, le récit singulier par Stéphane Olry de l’expérimentation des treize semaines de vertu de Benjamin Franklin. Programme ambitieux mais réussi.

À l’origine des Treize semaines de vertu de Stéphane Olry, une commande du Château de La Roche-Guyon pour la célébration du tricentenaire de la naissance de Benjamin Franklin. Rédacteur de la première Déclaration des Droits de l’Homme, Franklin est l’auteur d’un exercice de treize semaines à fin de vertu. Une mise en pratique régulière dont il donne le mode d’emploi. Et puisqu’il s’agit d’une sorte de « body-building de l’âme », les fameuses vertus sont classées par ordre de difficulté : sobriété, silence, ordre, résolution, économie, application, sincérité, justice, modération, propreté, tranquillité, chasteté. Prévenant l’accusation de présomption, on y rajoute l’humilité. Des qualités martiales, républicaines et laïques, proches de l’éducation même d’Olry, aidé par Frédéric Révérend, un savant garde-fou avec lequel il prend rendez-vous pour des échanges téléphoniques. C’est un voyage au long cours dont les relations amicales et professionnelles peuvent souffrir.
 
Ton de confidence pudique à travers les notations les plus banales
 
Avec Mathias Poisson qui illustre corporellement le propos, Olry décline son aventure à sa façon méthodique et désuète, distante et ironique, dans l’espace intérieur d’un bureau de travail, avec carnet et ordinateur, face à un public d’amis, les spectateurs. Des détails quotidiens étayent la progression de l’expérience, Olry fait l’inventaire des états privés d’une vie réglée : « J’aime faire les courses, remplir le réfrigérateur… » Le patient s’en abstient désormais, lors de sa semaine de sobriété. Quant à celle du silence, il décide de ne plus intervenir aux séances de la Coordination des Intermittents du Spectacle, n’écoute plus la radio et dort la fenêtre ouverte pour écouter les bruits de la ville. Ce qu’aurait tant aimé Corine Miret, collaboratrice artistique et épouse d’Olry dont on apprend mélancoliquement la séparation. Ils auraient pu vivre ensemble longtemps encore dans un château dont chacun aurait occupé une aile. Mais qui peut acheter un château ? C’est ce ton de confidence pudique à travers les notations les plus banales qui font la force de ce témoignage inclassable. Des moments de saveur existentielle partagée, des instants où chacun se reconnaît dans cette vie de tous les jours, modeste et grandiose. Une façon d’être qui s’oppose aux vertus bruyantes et spectaculaires de nos temps, l’humour, la séduction, le dynamisme, la créativité, la flexibilité, l’autonomie, le brio … Astucieux.
 
Véronique Hotte


 
Treize semaines de vertu
Texte de Stéphane Olry, dans le cadre du Festival d’Automne à Paris, du 24 octobre au 4 novembre 19h, les 27 octobre et 3 novembre 12h, 28 octobre, 1er et 4 novembre 12h et 19h, relâche 29 octobre aux Archives Nationales/Hôtel de Soubise Tél : 01 53 45 17 17

Texte publié aux Éditions de l’Amandier

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