La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Toute vérité

Toute vérité - Critique sortie Théâtre
Crédit photo : Stéphane Tasse Légende photo : Daniel Martin et François André dans Toute vérité.

Publié le 10 mai 2011 - N° 188

Caroline Gonce met en scène, de façon statique et empesée, l’autofiction où Jean-Yves Cendrey règle ses comptes avec son père… Un spectacle pénible dans son fond comme dans sa forme.

Le récit de soi est à la mode ; il encombre les librairies ; il fait pleurer Margot ou l’émoustille. Plus lucratif qu’une analyse et peut-être tout aussi efficace pour qui s’y adonne, il impose à qui le subit, au mieux, la compassion, au pire, la pitié gênée. Jean-Yves Cendrey a d’évidence beaucoup souffert : un père alcoolique et brutal, sous-officier ayant fait ses armes dans les guerres coloniales, chasseur du dimanche et adepte de la pétanque : un parfait beauf, qui assénait des torgnoles à sa femme et à ses gosses et finit sa vie en pyjama et sans dentier dans les couloirs glauques d’un hôpital psychiatrique… Sauvé par les livres, le fils est devenu écrivain et a épousé Marie NDiaye, avec laquelle il a écrit ce récit circonstancié des humiliations et des coups subis. Jean-Yves Cendrey signe la partition du fils, la sienne ; Marie NDiaye prend en charge celle du père, qu’elle tente de racheter à grands renforts de psychologie de bazar (père bourreau, parce qu’ancien enfant battu et autres explications faciles des origines du monstre).
 
Toute vérité est-elle bonne à entendre ?
 
On comprend sans peine combien cette enfance a été douloureuse et combien il est difficile encore de vivre avec le souvenir de tels sévices. Toute vérité emprunte son titre aux proverbes dont le père émaille son discours, prouvant ainsi l’inanité intellectuelle et l’inculture crasse que son fils ne cesse de lui reprocher. Toute vérité n’est pas bonne à dire, affirme la sagesse populaire. On peut s’insurger contre une telle volonté de dissimulation et lui préférer la transparence absolue et le souci de soi. Mais si toute vérité est dicible sur le divan ou dans l’aveu aux proches, il n’est pas dit que sa publicité vaille comme principe heuristique : il n’est pas évident que le public soit l’auditeur idéal de ces confessions intimes, à moins, peut-être, qu’elles permettent à tous les enfants battus de trouver ainsi les mots pour le dire… D’autant moins lorsque la mise en scène, comme c’est le cas du spectacle de Caroline Gonce, joue de la pesanteur et de la lourde insistance, avec un comédien, qui, à l’instar de François André, butte sur son texte. Daniel Martin, qui prête une carcasse effondrée assez convaincante au père vilipendé, ne parvient pas à sauver un ensemble péniblement narcissique, qui n’offre aucune possibilité de mise à distance au spectateur, accusé de voyeurisme par cet exhibitionisme de mauvais aloi au comble de la mauvaise foi.
 
Catherine Robert


Toute vérité, de Marie NDiaye et Jean-Yves Cendrey ; mise en scène de Caroline Gonce. Du 28 avril au 28 mai 2011 à 21h ; dimanche à 15h30 ; relâche le lundi et les 1er et 8 mai. Théâtre du Rond-Point, 2bis, avenue Franklin D. Roosevelt, 75008 Paris. Réservations au 01 44 95 98 21.

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