« Promise » de Sharon Eyal : sept corps, sept techniques, et une énergie unique !
La dernière création de Sharon Eyal réutilise [...]
Créée pour Montpellier Danse au cœur d’un magnifique programme reprenant Annonciation et Noces, cette nouvelle pièce courte emporte le Ballet Preljocaj vers des territoires inédits. Une belle réussite.
De grandes traversées dansées, des tours, des sauts, des trajectoires qui se croisent, des lignes qui fusent, le tout sur une musique qui galope, bien scandée et répétitive. Angelin Preljocaj ouvre sa nouvelle création pour douze danseurs par une séquence en forme de démonstration, qui pose en évidence la virtuosité des danseurs et du chorégraphe. Avec ses courses combinant sauts à la seconde et circuits complexes dignes d’une Lucinda Childs survoltée, doublés d’une vélocité impressionnante et de gestes précis et acérés, Preljocaj confirme et rassure. C’est par ce mécanisme qu’il a choisi de faire passer le spectateur pour mieux enclencher la rupture qui fait tout le sel de cette création. Car d’un coup, le rythme se ralentit, la pulsation s’essouffle, et quelque chose se dérègle. En sous-régime, que devient alors cette écriture vivace et tranchante ? Pas grand-chose. Charge au chorégraphe de nous proposer autre chose, une autre histoire de corps, qui lui permet ici d’ouvrir d’autres pistes de recherche. A travers le groupe, qui commence par se réunir dans un magma fédérateur, apparaissent des figures kaléidoscopiques qui s’écrivent en miroir et en flux continu. Dans un grondement sourd, c’est une sorte de tableau vivant qui se forme et se déforme, fait de contacts, de soulèvements, de frôlements, de portés, dans une communauté soudée et attentive à la précision de chaque geste.
La dimension du sensible
Dès lors, le chorégraphe prend le parti de la relation à l’autre, du temps étiré, et d’un engagement dans la qualité du toucher pour faire évoluer sa danse. Le groupe se sépare en trios qui multiplient les points de contact des corps entre eux. Il y a dans son propos une place pour le trouble, car la douceur peut très vite investir le registre des sens, du câlin, de la caresse qui comme l’écrivait Lévinas transcende le sensible. Les corps s’allongent, épousent le sol, roulent, semblent prendre le soin et le temps de vivre leur propre expérience envers eux-mêmes et autrui. C’est l’hypothèse d’une autre beauté que pose ici Angelin Preljocaj, appuyée sur d’autres références, d’autres techniques, d’autres rituels aussi. Les corps se manipulent, pour s’engager ensuite dans une ronde collective, en forme de barre au sol au plus proche de la terre, et en connexion les uns aux autres. La Torpeur du titre de la pièce semble alors loin de l’état de sidération qu’il peut sous-entendre. On lui préfère la notion de suspension, tant les corps s’investissent dans un espace-temps autre, une dimension supplémentaire sur laquelle compter en tant qu’être humain au sein d’un groupe.
Nathalie Yokel
Spectacle vu au Festival Montpellier Danse
Tournée :
Aix-en-Provence, Pavillon Noir : du 12 au 15 septembre 2023
Rouen, Opéra de Rouen : du 19 au 21 octobre 2023
Quai 9, Lanester : le 3 novembre 2013
Ollioules, Théâtre Châteauvallon - Scène Nationale : du 07 au 10 novembre 2023
Paris, Théâtre des Champs-Élysées : du 1er au 03 décembre 2023
La Coursive, La Rochelle : les 09 et 10 janvier 2024
Mougins, Scène 55 : les 22 et 23 mars 2024
Draguignan, Théâtre de l'Esplanade, Festival de danse l'ImpruDanse#8 : le 26 mars 2024
Versailles, Opéra Royal du Château de Versailles : du 28 mars au 05 avril 2024
Thionville, Théâtre de Thionville : le 7 avril 2024
Dieppe, DSN - Dieppe Scène Nationale : le 11 avril 2024
Suresnes, Théâtre Jean Vilar : du 26 au 27 avril 2024
Nice, Théâtre National de Nice : du 16 au 18 mai 2024
Dijon, Opéra de Dijon : le 24 mai 2024
La dernière création de Sharon Eyal réutilise [...]