Tommy Milliot crée « L’arbre à sang » de l’auteur australien Angus Cerini, qui dissèque les violences domestiques

« L’auteur, qui jouit d’une belle reconnaissance en Australie, est en France un parfait inconnu. C’est la première fois que l’une de ses œuvres est montée. Et c’est aussi la première fois que L’arbre à sang est traduit en français. On doit cette traduction à Dominique Hollier qui avoue que ce texte est peut-être le plus difficile qu’elle ait jamais eu à traduire. En habitant du bush australien, très violent, l’auteur ancre ses pièces dans l’Australie profonde ; ses œuvres sont si riches en références culturelles locales qu’elles sont rétives à la traduction. Quand j’ai pris connaissance de la pièce pour la première fois, j’ai dit non. Je n’y comprenais rien. Angus Cerini a une écriture très particulière, qui déploie une sorte de « poésie rurale ». Son langage est si imagé que le sens vient en grande partie de la musique des mots. Puis, quand la Comédie de Béthune dont je suis artiste associé m’a proposé de travailler sur un spectacle itinérant, quelque chose de simple avec une structure légère, j’ai révisé ma position. Monter ce projet dans ce cadre m’a paru au contraire très opportun.

Une fable noire et grotesque

Il est ainsi possible de faire de cette comédie noire et grotesque sur le sujet des violences domestiques un spectacle très brut, d’une proximité très forte avec les spectateurs. L’auteur situe l’action dans une ferme isolée du bush australien, mais ce pourrait être dans n’importe quel coin de campagne reculé. Là, trois femmes, une mère et ses deux filles qui viennent de mettre fin à leur calvaire en tuant leur mari et père, sont confrontées au problème de la disparition de ce corps encombrant. Les spectateurs et spectatrices sont plongés au cœur même de l’action, comme dans un théâtre de tréteaux. Nous avons opté pour un dispositif scénique tri-frontal qui offre aux trois actrices – Dominique Hollier (la mère), Aude Rouanet et Lena Garrel (les filles) – l’opportunité de se saisir du texte à bras le corps. La vraie difficulté, c’était l’écriture. Nous avons énormément travaillé la matière textuelle pour dépasser les difficultés spécifiques qu’elle posait sans toucher ne serait-ce qu’à une virgule, avec pour ambition de permettre l’incarnation de ce que l’auteur avait voulu dire. » 

Propos recueillis par Marie-Emmanuelle Dulous de Méritens