Tirésias

« Nous avons imaginé un Tirésias qui vit de nos jours. Un devin fatigué qui ne s’adresse plus, via les réseaux sociaux, qu’à des adolescents dont les questions prosaïques achèvent de le déprimer. Jusqu’au jour où l’un d’entre eux l’interroge sur des idées suicidaires. Voilà Tirésias qui se réveille et décide de lui proposer plusieurs morts possibles, toutes tirées des Métamorphoses d’Ovide, avec le secret espoir de le décourager dans ses projets. Rappelons que Tirésias est aveugle et donc rendu particulièrement sensible au sonore, au musical. Lorsque je pense à des spectacles, le son est l’une de mes premières sources d’inspiration et d’émotion. Car il dessine pour moi des espaces qu’aucune scénographie ne pourra jamais représenter. La difficulté, et le plaisir, consistent à additionner les paysages du théâtre et ceux de la musique en permettant qu’ils puissent l’un et l’autre élargir le cadre, le regard.

Elargir nos consciences

Le fait que Tirésias, dans la mythologie, ait été confronté au vécu des deux sexes, ou qu’il ne parvienne pas à mourir, l’autorise à placer le jeune suicidaire dans une situation de féminité, ou à l’inviter à une réflexion, même modeste, à travers chaque perspective de mort, sur le sens que nous pouvons donner à notre vie. Tirésias est un spectacle qui s’adresse à tous, à partir de 13 ans. Je ne suis pas un spécialiste du jeune public. Mais cela m’a beaucoup intéressé de mettre au nombre de mes contraintes d’écriture le désir de m’adresser aussi à des jeunes spectateurs. J’ai écrit pour eux comme j’écris pour les plus âgés. Il me semble très important, parce que c’est l’une des fonctions essentielles du théâtre, d’élargir au maximum la conscience de tous ceux qui participent au moment de la représentation : ceux qui la font comme ceux qui la voient. »

Entretien réalisé par Manuel Piolat Soleymat