Théorie des prodiges

C’est une histoire qui dure entre les Hivernales et la compagnie Système Castafiore, dont on se remémore à Avignon Les Chants de l’Umaï. Basée à Grasse, elle est de celles qui ont traversé le paysage chorégraphique français sans jamais renoncer à la singularité de leur projet, quitte à œuvrer à contre-courant. Aujourd’hui, leurs propositions n’en sont que plus fortes, reflétant un héritage assumé et un parcours éclectique faisant fi des frontières esthétiques. Marcia Barcellos et Karl Biscuit ont tous deux été élèves d’Alwin Nikolais à Angers, grand magicien et pédagogue américain dont ils ont retenu l’approche pluridisciplinaire mêlant la danse à l’image, la scénographie, la musique… Rencontrant ensuite la musique, le chant, et la création collective (groupe Lolita), le tandem continue d’explorer tous ces aspects dans une démarche réactualisée.

Imaginer et croire, pour un spectacle total

Cette création s’inscrit dans la floraison de mondes étranges qu’ils savent inventer à chaque fois. Quatre danseuses, deux chanteuses et une comédienne prennent place dans une scénographie baignée d’images et de sons. Les artistes sont partis du constat de l’abandon de la pensée magique au profit de la rationalité. En témoigne ce manuscrit du XVI^ème siècle, qui répertorie les miracles et les prodiges, et qui laisse place aux chimères et aux licornes d’un temps où le savoir ne se substituait pas à l’imaginaire. Cette source devient prétexte à un retournement de situation, faisant du plateau l’espace rêvé d’une liberté de ré-enchanter le monde. Avec, en filigrane, la juste dose d’étrangeté et de jubilation confondues, pour mettre à l’épreuve notre capacité à imaginer et à croire en cette Théorie des prodiges.

Nathalie Yokel