Même les chevaliers tombent dans l’oubli
Spectacle jeune public à partir de huit ans, [...]
Le jeune metteur en scène Laurent Brethome présente TAC, de Philippe Minyana, au Théâtre Jean-Arp de Clamart. Un spectacle remarquable qui, entre grotesque et gravité, nous entraîne dans un vagabondage existentiel plein d’inspiration.
C’est l’un des jeunes metteurs en scène prometteurs du théâtre français. Après plusieurs pièces de Hanokh Levin (dont Les Souffrances de Job, en 2010, qui a obtenu le Prix du public au Festival Impatience du Théâtre national de l’Odéon), après Bérénice de Jean Racine, Laurent Brethome s’empare de l’écriture de Philippe Minyana. Il le fait avec talent, réussissant à faire surgir toute la profondeur, toute la singularité de ce théâtre ambitieux. TAC (texte édité, sous le titre Pièces, aux Editions Théâtrales) raconte l’histoire d’un homme qui n’a jamais pu se plier aux exigences de la société. Un homme pas tout à fait comme les autres, qui accumule chez lui, depuis des décennies, toutes sortes de papiers, de journaux, de revues, de fascicules, de vieux tickets de métro et de cinéma… Son appartement est plein comme un œuf, ses voisins s’inquiètent, ils craignent pour la sécurité de leur immeuble, finissent par demander et obtenir son expulsion. C’est le début d’un vagabondage existentiel sur les routes du monde, d’une déambulation à la quête de ses origines, de sa famille, de ses amis éparpillés.
Une humanité qui patauge
A la tête d’une troupe de comédiens admirables (Fabien Albanese, Magali Bonat, Leslie Bouchet, Thierry Jolivet, Francis Lebrun, Alain Sabaud, Philippe Sire), Laurent Brethome nous plonge dans les épisodes fantasques d’un rêve éveillé. Un rêve comme une épopée excentrique, qui voit passer de drôles de personnages, qui traverse des inondations, des zones de brouillard et d’obscurité (la scénographie, très réussie, est de Julien Masse). Tout l’univers de Philippe Minyana est là : entre bouffonnerie et profondeur métaphysique, quotidienneté et impulsions poétiques, immédiateté corporelle et musicalité du texte. Il y aussi cette tendresse si particulière pour l’humanité qui patauge, l’humanité des inadaptés, des marginaux. Cette tendresse ne s’appesantit jamais. A peine apparue, voilà déjà qu’elle s’échappe, pudique, laissant la place à l’un des pieds de nez dont l’auteur a le secret. A 33 ans, Laurent Brethome investit toutes les subtilités de cette écriture à travers un sens rare de l’équilibre et une formidable direction d’acteur. Il signe un spectacle inspiré, qui nous ouvre grand les portes du théâtre de Philippe Minyana.
Manuel Piolat Soleymat
Spectacle jeune public à partir de huit ans, [...]