La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Invisibles

Invisibles - Critique sortie Théâtre Aubervilliers Théâtre de la Commune
Crédit Photo : Philippe Delacroix Légende : Invisibles de Nasser Djemaï : à la rencontre de Chibanis.

Théâtre de la Commune / texte et mes de Nasser Djemaï

Publié le 30 mars 2013 - N° 208

Sur les routes de France et de Suisse depuis un an et demi, les six interprètes d’Invisibles s’arrêtent pour une semaine au Théâtre de la Commune. Sous la direction de l’auteur et metteur en scène Nasser Djemaï, ils s’illustrent dans un moment de théâtre nécessaire.

Il y a Driss (Lounès Tazaïrt), Hamid (Mostefa Stiti), Majid (Angelo Aybar), Shériff (Kader Kada) et El Hadj (Azzedine Bouayad). Tous les cinq sont ce que l’on appelle des Chibanis c’est-à-dire, en langue arabe, des « anciens », des « cheveux blancs ». Venus en France pour subvenir aux besoins de leur famille restée au Maghreb, ces travailleurs immigrés ont passé leur vie loin des leurs, dans nos usines ou sur nos chantiers, contribuant à la prospérité d’un pays qui n’a pas su leur faire de place. Un jour, un jeune « Français de souche » (David Arribe) fait irruption dans le foyer Sonacotra au sein duquel ces ouvriers à la retraite ont, pour diverses raisons, décidé de finir leurs jours. C’est le début d’une fable initiatique qui nous plonge au sein de l’intimité des ces êtres que la France veut oublier. « Il faut respecter la pudeur, la fierté et la noblesse de ces ancêtres, déclare l’auteur et metteur en scène Nasser Djemaï, et aussi, avec délicatesse, brancher le détonateur et faire exploser des moments de vérité, avec toute la violence, la cruauté et la drôlerie qui s’imposent. » Tout est dit. 

Porter notre regard sur des oubliés de l’histoire

Coups de gueule, coups de main, éclats de rire, fantômes surgissant du passé, parties de dominos autour d’une table en formica… Evitant les clichés et les facilités sentimentales qui pourraient alourdir ce type de projet, Nasser Djemaï crée un théâtre du quotidien, un théâtre du sensible qui porte un éclairage plein de finesse sur ces hommes habituellement cantonnés à l’ombre. Rien n’est jamais forcé, dans ce spectacle à haute valeur politique. Aucune réplique ne vient jamais nous faire la morale. Servi par une troupe de comédiens exemplaires, Invisibles (texte édité chez Actes Sud-Papiers) nous touche au cœur. Qu’il est joyeux, en ces temps de crispations et de dérives discriminatoires, d’assister à un spectacle d’une humanité aussi simple, aussi essentielle. Ces Chibanis nous font rire, nous émeuvent, nous ramènent aux évidences de problématiques de vie pourtant complexes. « La misère, ça n’a jamais fabriqué des frères », confesse l’un de ces hommes. Le théâtre, lui, lorsqu’il touche à cet endroit de plénitude et d’équilibre, peut avoir cette vertu.

Manuel Piolat Soleymat

A propos de l'événement

Invisibles
du mercredi 17 avril 2013 au mercredi 24 avril 2013
Théâtre de la Commune
2 rue Edouard-Poisson, 93300 Aubervilliers

Du 17 au 24 avril 2013. Du mardi au vendredi à 20h, le samedi à 18h, le dimanche à 16h. Tél. : 01 48 33 16 16. www.theatredelacommune.com. Spectacle vu en décembre 2012 à la MC2 Grenoble. Durée de la représentation : 1h40. Egalement les 28 et 29 mai 2013, à la Scène nationale de Chambéry et de la Savoie.
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