Reprise de « A.N.G.S.T. » de Lucas Bergandi et Clément Dazin
Entre le jongleur et le fil-de-fériste, la [...]
Anna Tauber réactive l’histoire et les envols de Suzanne, qui fut l’incroyable voltigeuse du duo Les Antinous. Tout simplement profond et bouleversant.
C’est avant tout une forme simple, une adresse directe et monocorde au spectateur, façon conférence à la table et en images. Anna Tauber commence par préciser son positionnement, sa recherche, et pose les jalons de son enquête quasi journalistique tout en précisant qu’elle est aussi là pour y mettre tout ce qu’elle aime. On la suit alors sans plus de questions dans son périple commencé en 2017, alors que Suzanne Marcaillou avait 84 ans : un récit à la première personne, filmé au téléphone portable, entre investigations, coups de fils, interviews, rebondissements, dans une quête ultime : réactiver le numéro de Suzanne et Roger, joué des milliers de fois pendant plus de quinze ans, emblématique d’un cirque des années 1950, dont il ne reste pourtant aucune trace. Anna Tauber nous fascine avec ce cirque des grandes hauteurs où le rapport à la mort est quotidien, où l’existence ne tient qu’à un fil, où le risque donne à la vie toute sa substance. Son habile et très touchant croisement avec sa vie personnelle, à travers l’évocation de son père mort trop tôt d’un cancer, vient mettre les choses en perspective. Vivre sa vie à fond au risque de la perdre, quand d’autres la perdent bien malgré eux… C’est en Dalida, dans une poignante interprétation de « Je suis malade », qu’Anna Tauber reviendra sur scène, après avoir organisé son propre effacement derrière les images et la voix de Suzanne, derrière son sourire, son toujours fameux grand écart et son sens de la répartie.
Un hommage à nos pères et à nos mères
L’émotion est à son comble, entre rires et larmes, dans cette proposition qui fait œuvre de mémoire et ravive l’histoire. La rencontre entre la voltigeuse et François, trois fois spectateur du duo à l’époque, est un numéro de clowns savoureux. Si l’on est autant touchés, c’est sans doute qu’Anna Tauber réussit à faire se percuter l’intime et l’universel, la petite histoire et la grande histoire, le personnel et le commun. Car traverser l’histoire du cirque, c’est aussi questionner les rapports de classe, la place de la femme, la notion d’engagement, la solidarité. Aborder la transmission, c’est toucher au lien entre les générations, aux évolutions du corps et des techniques, interroger la relation au travail, pointer du doigt la place et le rôle que l’on donne à nos aînés. C’est ce que proposent Anna Tauber et son équipe, en plus de faire de Suzanne, qui n’a pas eu d’enfant, notre chère mamie de cirque à toutes et à tous.
Nathalie Yokel
Le 14 novembre à 20h30 et le 15 à 10h. Tél. : 04 66 86 45 02.
L’Onyx, 1 place Océane, 44800 Saint-Herblain. Le 26 novembre à 20h30. Tél. : 02 28 25 25 00.
Spectacle vu au Festival Circa
Tournée : Les 16 et 17 janvier, La Renaissance, Mondeville. Du 4 au 8 mars, Théâtre de la Cité Internationale, Paris. Les 26 et 27 mars, La Grainerie, Balma, Toulouse. Du 3 au 4 juin, La Villette, Paris.
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