La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

Stuart Seide

Stuart Seide - Critique sortie Théâtre
Crédit photo : Pidz

Publié le 10 janvier 2009

Portraits de femmes

Formateur intelligemment humaniste, directeur ferme et dynamique d’une maison de théâtre ouverte sur la cité, Stuart Seide est aussi un créateur au solide talent. Il met cette année en scène, au Théâtre du Nord, Mary Stuart, de Schiller, avec Océane Mozas et Cécile Garcia Fogel, actrice qu’il retrouve au printemps dans Baglady, au Théâtre Gérard-Philipe de Saint-Denis.

Pourquoi avoir choisi de monter Mary Stuart ?
Stuart Seide : Souvent, le déclic pour monter une pièce, c’est d’avoir les acteurs ! Là, je retrouve Cécile Garcia Fogel, que j’estime beaucoup, et Océane Mozas avec qui j’ai envie de travailler depuis longtemps. Et puis il y a aussi l’intérêt de la fable. Metteur en scène de beaucoup d’œuvres élisabéthaines, cette époque m’intéresse autant que le thème de cette pièce, finalement peu connue. Enfin, après avoir mis en scène Dario Fo la saison dernière, je replonge dans une forme de classicisme et cette alternance me plaît.
 
Qui sont ces deux femmes que Schiller met face à face ?
S. S. : Elisabeth et Mary ne se sont jamais rencontrées et on dit à ce propos que l’Histoire a mal fait son œuvre ! Schiller corrige cette erreur de l’Histoire en provoquant la rencontre entre ces deux reines qui incarnent deux façons d’être une femme au pouvoir dans un monde d’hommes. L’une, Mary, a toujours basé sa vie sur la séduction, la beauté, la persuasion, l’intuition. L’autre, Elisabeth, exigeante, cassante, parfois plus homme qu’un homme, campe une autre façon d’être au pouvoir. On retrouve souvent ces deux figures chez les femmes politiques : l’hyper féminité ou la quasi-virilité. Ça m’intéresse beaucoup de parler de ça. Et puis on trouve aussi dans cette pièce ce thème que j’adore chez Shakespeare, celui du lien entre la personne privée et le personnage public et du rapport entre l’intime et l’épique. Enfin Schiller pose la question des choix qu’on fait dans la vie. Que faire quand on choisit mal ? Qui est véritablement libre ? Elisabeth qui tue peut-être une partie d’elle-même en Mary ou Mary qui n’a peut-être jamais été aussi libre que dans sa prison ?
 
« Mary et Elisabeth, deux aspects d’une même femme. »
 
Ce face-à-face est-il celui de deux monstres ou celui d’un bourreau et d’une victime ?
S. S. : Ces deux personnages sont très complexes. Mary Stuart sait qu’elle n’est pas pure malgré son aspiration vers Dieu et la pureté. Elle est complice de l’assassinat de son premier mari, elle a épousé son assassin, elle vit avec ses fautes. Elle est peut-être innocente des crimes pour lesquels elle est condamnée mais elle sait qu’au fond elle ne l’est pas. Quant à Elisabeth, la bâtarde élevée à l’écart qui a connu la prison et qui n’aurait jamais dû être reine, elle doit prouver sa légitimité. Des monstres ? Absolument pas ! Elisabeth et Mary sont seulement des femmes de pouvoir.
 
Océane Mozas joue Mary ; Cécile Garcia Fogel, Elisabeth. Comment les dirigez-vous ?
S. S. : En leur demandant de jouer deux aspects d’une même femme, comme deux sœurs siamoises. Ces deux actrices bien différentes auraient pu jouer les deux rôles. Mary le dit d’ailleurs à Elisabeth dans la pièce : j’aurais pu être là face à vous et à votre place. C’est vrai que le destin dépend parfois du battement de cil d’un dieu !
 
Vous retrouvez Cécile Garcia Fogel au printemps, dans Baglady.
S. S. : Il y a huit ans déjà que nous avons créé cette pièce de Mc Guinness. J’ai toujours aimé le théâtre irlandais et son exploration des bas-fonds muets. Je quitte les rois et les reines pour les invisibles piétinés par la vie et qui ont pourtant une force et une capacité incroyables de rebondir. Cette baglady, qui signifie clocharde en anglais, est une femme qui trimballe toute sa vie dans des sacs. Ce solo est celui d’une femme marquée par son enfance et la violence subie. Sa mémoire imparfaite essaie de comprendre et de recomposer son passé. Ça n’a pas peur des sentiments, voire de la sentimentalité et du lyrisme ce théâtre-là ! C’est à la fois concis et rempli de passion ! Christophe Rauck a souhaité accueillir plusieurs formes brèves au Théâtre Gérard-Philipe. Nous allons jouer dans le terrier, une salle que j’aime beaucoup et qui se prête idéalement à cette pièce. J’apprécie beaucoup le travail de Christophe et je suis ravi de faire partie de sa première saison et de son aventure au TGP.
 
Propos recueillis par Catherine Robert


Mary Stuart, de Friedrich Schiller. Du 8 au 31 janvier 2009. Mardi, mercredi, vendredi et samedi à 20h ; jeudi à 19h (sauf le jeudi 8 à 20h) ; dimanche à 16h. Grande salle, Lille. Théâtre du Nord, 4, place du Général de Gaulle, BP 32, 59026 Lille cedex. Réservations au 03 20 14 24 24. Site : www.theatredunord.fr Baglady, de Frank Mc Guinness. Du 24 mars au 12 avril 2009. Théâtre Gérard-Philipe de Saint-Denis.

A propos de l'événement


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