La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Stop the tempo

Stop the tempo - Critique sortie Théâtre
Crédit photo : © Frédéric Iovino Légende photo : Chloé André, Mounya Boudiaf et Jonathan Heckel dans Stop the tempo.

Publié le 10 novembre 2010

Gianina Cãrbunariu réinvente le terrorisme et propose de répondre au néant par la nuit en faisant sauter les fusibles des temples de l’hydre capitaliste pour lutter contre sa folie contagieuse.

Travailler toujours plus pour acheter au-delà de ses besoins, user d’excitants synthétiques pour cimenter sa névrose, épuiser son corps dans la danse et la course, baiser faute d’aimer, oublier dans le bruit et la fureur des boîtes à la mode et des supermarchés du désir formaté sa solitude et sa misère : les trois Roumains dont Gianina Cărbunariu décrit les frustrations et le désespoir ressemblent à tous ces yuppies occidentaux transformés en machines productivistes et consuméristes. Ils incarnent « toutes les jeunesses du monde », comme le remarque Caroline Mounier, « pour peu qu’elles soient confrontées à l’explosion effrénée d’un capitalisme sauvage et totalement déréglé ». Pas de pause pour cette génération prise dans la spirale nécessiteuse d’une civilisation qui dévore ses enfants en les rendant sourds et frigides, mais seulement l’amer constat qu’une force est en marche qui dépasse les individus sur lesquels elle pèse comme un destin. Les ressorts de la tragédie sont là mais tout se joue à niveau d’immanence, puisque les dieux et les héros sont morts pour ces êtres en pleine déréliction. Seul le refus total peut encore valoir comme résistance, ce pourquoi Rolando, Maria et Paula, qui se rencontrent dans le fracassant enfer d’un bar où hurle la techno, décident de mettre un terme au vacarme sociétal et existentiel dont ils sont victimes en coupant l’électricité et en plongeant le monde dans le noir.
 
Quatre jeunes gens dans le vent d’un talent prometteur
 
Sans afféterie ni complaisance, Gianina Cărbunariu fait le portrait brutal, sec et virulent de la Roumanie de l’après-Ceaucescu et de sa jeunesse malade. Elle accède à l’universel en auscultant ce syndrome d’une génération condamnée à l’impuissance de gestes dérisoires. Les répliques fusent, entre balles traçantes et rafales de mitraillette. Pour mettre en scène cette critique trépidante d’un monde ivre et obèse, Caroline Mounier propose une mise en scène précise et rythmée, dont la scénographie minimaliste impose aux trois jeunes et brillants comédiens de tout créer par leur jeu remarquablement délié et intense, vif, incisif et juste. Eclairés par des torches électriques, des briquets et des bougies, les visages de Chloé André, Mounya Boudiaf et Jonathan Heckel apparaissent par fulgurances sur le fond d’une nuit héroïque et brutale qui sert de décor à leur quête en forme de blague potache tournant à l’attentat métaphysique. Les trois jeunes gens, formés à l’EPSAD comme leur metteur en scène, prouvent la qualité de cette école, capable de rendre ses élèves artistiquement autonomes et féconds. Le spectacle de Caroline Mounier constitue une belle entrée dans la carrière : son geste théâtral est assuré et maîtrisé et l’ensemble est l’augure d’autres réussites à venir.
 
Catherine Robert


Stop the tempo, de Gianina Cărbunariu ; mise en scène de Caroline Mounier. Le 15 février 2011 au Carré, 4bis, rue Horeau, 53200 Château-Gontier. Réservations au 02 43 09 21 52. Tournée en cours. Durée : 1h. Spectacle vu au Théâtre du Nord, à Lille.

A propos de l'événement


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