La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

Gilles Bouillon

Gilles Bouillon - Critique sortie Théâtre
Crédit portrait : François Berthon

Publié le 10 octobre 2010

Saucier magnifique

Gilles Bouillon met en scène Cyrano de Bergerac avec, dans le rôle-titre, le formidable Christophe Brault, entouré de valeureux compagnons de scène et de la troupe des vaillants cadets du Jeune Théâtre en Région Centre !

Comment avez-vous choisi les comédiens de cette nouvelle aventure ?
Gilles Bouillon : J’ai engagé dix-sept acteurs pour quarante-cinq personnages. C’est beaucoup et c’est peu ! Beaucoup dans une économie générale du spectacle qui force à la réduction, mais peu au regard du caractère polyphonique de la pièce. Je suis parti du principe qu’il y avait six rôles inamovibles, Cyrano, Roxane, Christian, De Guiche, Ragueneau et Le Bret. Les onze autres acteurs endossent les autres personnages. Il y a neuf acteurs d’âge mûr et huit jeunes acteurs, la nouvelle promotion du Jeune Théâtre en Région Centre. Ce mélange générationnel, allié à un formidable esprit de travail, crée un savant dosage qui marche de manière insensée. J’ai d’abord répété avec les trois rôles principaux, puis avec, en plus, Le Bret, De Guiche et Ragueneau et enfin avec toute la troupe. Cela correspond à la forme opératique de l’écriture de Rostand qui alterne entre théâtre de chœurs et théâtre de l’intime. L’harmonie initiale a gagné l’ensemble de la troupe en suivant la rythmique de la pièce.
 
Encore une pièce qui vous permet de faire jouer les jeunes du JTRC…
G. B. : Oui ! Parce qu’en plus de ma mission de théâtre populaire, je travaille à l’intérieur d’un projet pédagogique. Et même si j’ai tendance à me répéter sur ce point, il n’y a pas de meilleure école que la scène pour ces jeunes sortis de leur formation initiale. Ils vont jouer cent trente fois (on aurait même pu jouer deux ou trois ans) : ça va les former !
 
Pourquoi choisir de monter cette pièce ?
G. B. : Cyrano est un mythe aux petits pieds ! Avec Carmen et Hamlet, c’est une des trois pièces les plus connues du répertoire. Il est intéressant de se confronter à cette grande comédie héroïque. On a tous des souvenirs de Cyrano, des scènes vues au théâtre, à la télévision, Belmondo, Depardieu, Jean Piat, Daniel Sorano. Mais Cyrano, c’est davantage un rêve d’acteur que de metteur en scène et pour le monter, il faut avoir l’acteur capable d’assumer ce rôle écrasant ! J’ai rencontré Christophe Brault il y a quelques années et ça a été une rencontre formidable. C’est un acteur habitué à se confronter aux grandes figures, un amoureux de la littérature, quelqu’un de très cultivé. Et puis, il y a les autres : Emmanuelle Wion, qui a joué comme Christophe Brault dans mon Othello. Et puis Thibaut Corrion, un autre dingue de littérature, un mec passionnant. Ce trio est vraiment formidable. Mais les autres le sont aussi : j’ai vraiment une troupe de très beaux acteurs pour ce projet !
 
« Un plaisir du théâtre qui touche à l’enfance. »
 
Comment avez-vous choisi la scénographie et les décors ?
G. B. : Il y a là un vrai pari esthétique. Les cinq actes présentent une affolante lourdeur des décors. Que faire ? Il fallait inscrire ces cinq lieux différents dans une matrice générique qui puisse les rendre tour à tour. L’idée nous est venue en comprenant que la pièce pouvait être lue comme la déclinaison de cinq lieux de théâtre : la scène du Marais dans l’Hôtel de Bourgogne, puis la pâtisserie de Ragueneau qui est une sorte d’atelier d’écriture, ensuite, à l’acte III, le théâtre des précieuses, de la déclaration, de l’auteur et sa créature où l’auteur devient souffleur. L’acte IV est le théâtre de la guerre et l’acte V le théâtre de la mort. On a essayé de trouver un espace suffisamment jouable, un peu comme Vitez avait trouvé un espace générique pour Le Soulier de satin. Il s’agit, toujours selon le mot de Vitez, de « faire théâtre de tout », avec l’idée mallarméenne que le monde est fait pour aboutir à une belle scène.
 
Comment considérez-vous l’écriture de Rostand ?
G. B. : Ce qui est frappant dans cette pièce, c’est que c’est vraiment du théâtre ! Le verbe est premier par rapport à l’ouvrage. Ainsi, même si on a tous beaucoup aimé le film de Rappeneau, on sent bien que Cyrano, ce n’est pas du cinéma ! Rostand connaît parfaitement l’histoire du théâtre. Il pique à Hugo, Racine, Corneille, Shakespeare dans une sorte de vaste collage, de grande soupe populaire ! Rostand est un saucier et il y a, dans cette pièce, un plaisir du théâtre qui touche à l’enfance, une énergie qui déborde du plateau et une circulation entre la scène et la salle où le théâtre devient le centre du monde.
 
Propos recueillis par Catherine Robert


Cyrano de Bergerac, d’Edmond Rostand, mise en scène de Gilles Bouillon. Du 8 au 27 octobre 2010. Mardi, mercredi, vendredi et samedi à 20h ; lundi et jeudi à 19h. Relâche les 11 et 23 octobre. CDR de Tours, Théâtre Nouvel Olympia, 7 rue de Lucé, 37000 Tours. Tél : 02 47 64 50 50. Du 9 novembre au 12 décembre. Du mardi au samedi à 20h ; dimanche à 16h30. Théâtre de la Tempête, Cartoucherie, 75012 Paris. Tél : 01 43 28 36 36. En tournée du 14 décembre 2010 au 31 mai 2011.

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