Marcus Lindeen et Marianne Ségol poursuivent avec Memory of Mankind leur stimulant théâtre
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Dans sa mise en scène, Stéphane Varupenne neutralise en usant des ressorts du vaudeville les dimensions politiques et absurdes du Suicidé, pièce écrite par Nicolaï Erdman en 1928, en pleine Russie stalinienne. Faute de creuser la folie et la violence à l’œuvre dans la pièce d’hier, le spectacle est peu enclin à nourrir un questionnement sur le présent.
Depuis Les Serge (Gainsbourg point barre) qu’il crée avec Sébastien Pouderoux en 2017, le metteur en scène et comédien Stéphane Varupenne se forge au sein de la Comédie-Française une identité à la frontière du théâtre et de la musique. Si la pièce de Nicolaï Erdman marque un tournant dans son parcours au Français, c’est à la fois par son ampleur et parce qu’il l’aborde seul. L’apparition dès les premières secondes du Suicidé d’un pianiste (Vincent Leterme, aussi à la direction musicale et aux arrangements du spectacle) et de son instrument sur un plateau entièrement plongé dans l’obscurité ne surprend guère. Dans l’inconnu, l’artiste fait ainsi ses marques. Mais le musicien aura beau sortir quelques fois de sa fonction pour incarner un rôle secondaire, il ne se mêlera jamais vraiment à l’aventure désastreuse de Sémione Sémionovitch Podsékalnikov (Jérémy Lopez), chômeur et époux de Macha (Adeline d’Hermy), menée tambour battant par 14 comédiens dans une scénographie gigogne très astucieuse conçue par le directeur de la maison Érif Ruf. Soit l’histoire d’une méprise qui se transforme en duperie : après une dispute conjugale, le saucisson qu’attrape Sémione en quête de réconfort est confondu avec un pistolet par un voisin (Clément Bresson) mal intentionné. La rumeur de son suicide précipite chez le anti-héros un intellectuel (Serge Bagdassarian), un boucher (Christian Gonon), une bourgeoise romantique (Anna Cervinka) ou encore un écrivain (Yoann Gasiorowski), tous déterminés à faire entendre leurs revendications variées à travers son geste, son désespoir.
Alcool, saucisson et coups de théâtre
Complétée parfois par une guitare ou une clarinette, la partition musicale du spectacle nous ramène davantage aux origines du vaudeville qu’au cinéma muet. Guère d’improvisation dans le jeu du pianiste, mais au contraire une maîtrise parfaite qui va souligner la mécanique comique à l’œuvre dans la pièce. Cela au détriment du tragique et de l’absurde qui la travaillent en profondeur, et qui lui valurent d’être interdite par Staline. Créée pour la première fois à la Comédie-Française en 1983 par Jean-Pierre Vincent, la pièce ne fait pas pour rien un retour sur nos scènes depuis quelques années. Si Patrick Pineau, puis à deux reprises Jean Bellorini y reviennent, c’est toujours pour sa facture complexe, pour sa manière d’utiliser certains codes du vaudeville dans une optique de critique sociale et politique. La mise en scène de Stéphane Varupenne déçoit d’autant plus qu’elle n’est guère la première. Confiée à Clément Carmar-Mercier, également dramaturge du spectacle, la nouvelle traduction de la pièce va dans le sens musical décrit plus tôt. Il s’agit avant tout de faire sonner efficacement les mots, de leur permettre d’accompagner le ballet des prétendants du suicidé, qui dans la deuxième partie de la pièce lui donnent une fête bien arrosée dont les débordements sont ici trop sages. En se concentrant sur le côté Labiche de la pièce, cette mise en scène la fige dans son passé. Les ponts entre la Russie d’hier décrite par Erdman et celle d’aujourd’hui peinent ainsi à être franchis.
Anaïs Heluin
En alternance ; matinées à 14h et soirées à 20h30 ; calendrier détaillé et réservations sur www.comedie-francaise.fr
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