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Théâtre - Critique

Stéphane Braunschweig met en scène Jours de joie d’Arne Lygre : un hymne contemplatif qui dissèque les passions tristes

Stéphane Braunschweig met en scène Jours de joie d’Arne Lygre : un hymne contemplatif qui dissèque les passions tristes - Critique sortie Théâtre Paris Odéon-Théâtre de l’Europe
Jean-Philippe Vidal, Chloé Réjon, Pierric Plathier, Cécile Coustillac, Virginie Colemyn dans Jours de joie. © Simon Gosselin

Odéon-Théâtre de l’Europe / texte d’Arne Lygre / mise en scène et scénographie Stéphane Braunschweig

Publié le 27 septembre 2022 - N° 303

Entre sonate d’automne et cantate d’hiver, Stéphane Braunschweig orchestre un hymne à la joie qui dissèque les passions tristes de la neurasthénie et du mécontentement contemporains.

Magnifique plateau recouvert de feuilles mortes, grand banc posé au milieu de ce tapis mordoré : les personnages imaginés par Arne Lygre viennent s’asseoir au bord du vide pour raconter les atermoiements de leur âme, déployer la complexité de leurs affects, raconter comment ils peinent à aimer, et dire la difficulté à être humain dans le cours incertain des saisons conduisant d’incompréhensions en déboires, de difficultés en douleurs, de deuils de l’avenir en désirs moribonds. Conatus en berne et anorexie libidinale : l’ambiance de ces Jours de joie n’est pas à la franche rigolade. On y est triste et élégant comme chez Hammershøi, entre incapacité évanescente à saisir une identité fuyante et peine à convaincre les autres de l’urgence à nouer des liens hors des relations émollientes de l’habitude.

Plongée au fond du gouffre

Les comédiens réunis par Stéphane Braunschweig interprètent magistralement cette hymne contemplatif, que les microscopiques moments de joie éclairent à peine. Sur le banc de la première partie comme sur le canapé de la seconde, même long ennui d’une humanité à la recherche d’elle-même. Virginie Colemyn, Cécile Coustillac, Alexandre Pallu, Pierric Plathier, Lamya Regragui Muzio, Chloé Réjon, Grégoire Tachnakian et Jean-Philippe Vidal sont tous excellents et dessinent avec un soin tout particulier le portrait d’une époque aboulique et angoissée, où même celui qui disparaît ne parvient pas à provoquer l’étincelle disruptive qui viendrait réveiller la léthargie ambiante. Les personnages fantomatiques de cette fresque neurasthénique semblent tous au bout de leur vie, même quand ils en portent la promesse, comme s’ils avaient, à jamais, sombré dans le confinement frileux d’un désespoir qui n’a plus ni le goût ni l’audace de vivre. Force est d’admettre que si Arne Lygre a raison et que le monde ressemble désormais à ce vaste champ de ruines intérieures, mieux vaut le quitter pour aller voir si la vie est ailleurs…

Catherine Robert

A propos de l'événement

Jours de joie
du vendredi 16 septembre 2022 au vendredi 14 octobre 2022
Odéon-Théâtre de l’Europe
place de l’Odéon, 75006 Paris

à 20h, le dimanche à 15h. Tél. : 01 44 85 40 40. Durée : 2h20.

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