La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Stadium

Stadium - Critique sortie Théâtre Paris la colline
STADIUM, une performance documentaire du collectif Zirlib, texte Mohamed El Khatid, conception Mohamed El Khatid et Fred Hocke. (photo by Pascal Victor/ArtComPress)

La Colline – Théâtre national / Conception et mes Mohamed El Khatib

Publié le 28 septembre 2017 - N° 258

Avec Stadium, où il met en scène une soixantaine de supporters du RC Lens, Mohamed El Khatib poursuit son travail sur la parole ouvrière. Omettant de questionner son geste et sa discipline, il livre un portrait sans nuances d’une communauté.

Depuis la saison dernière, le Théâtre de la Colline accueille les créations de Mohamed El Khatib. Après son seul en scène Finir en beauté (2014, qui l’a fait connaître, et Moi, Corinne Dadat (2015), c’est au tour de Stadium d’y être programmé, dans le cadre du Festival d’Automne. Cette fois, l’auteur, metteur en scène et réalisateur occupe le grand plateau du lieu comme il l’a rarement été : en y invitant pas moins de 58 personnes. Des supporters du Racing Club de Lens, rencontrés régulièrement pendant un an, lors de la saison 2015-2016. Son but, explique-t-il en introduction du livre qui vient de paraître aux Solitaires Intempestifs : faire entrer par la scène le spectateur auquel il aimerait s’adresser. Celui qui « ne veut pas venir au théâtre, car l’idée ne lui effleure même pas l’esprit de s’asseoir dans un fauteuil et de regarder du théâtre ». Autrement dit la « classe ouvrière », dont Mohamed El Khatib ne cesse de reconnaître l’héritage. Du moins sur le papier. Car sur le plateau, il ne prend la parole que pour interroger les supporters, dans le rôle du passeur s’effaçant derrière des corps et des récits habituellement dans l’ombre. Sans hélas en restituer la complexité.

Le football vu de haut

En matière de portraits d’anonymes, l’artiste est pourtant loin d’être novice. Dans Moi, Corinne Dadat, il poussait l’exercice jusqu’à donner à entendre les paradoxes de la femme de ménage éponyme. Son intelligence gouailleuse et ses préjugés sans fondement. Sa générosité et sa violence. Mais pour ce faire, Mohamed El Khatib se mettait lui-même en danger, comme il avait appris à le faire dans Finir en beauté consacré au deuil de sa mère. En dialoguant sur le plateau avec Corinne Dadat, il questionnait non seulement l’instrumentalisation du corps et de la parole ouvrière sur scène, mais aussi le milieu théâtral et sa propre démarche. Ce qu’il néglige de faire dans Stadium. Chose d’autant plus gênante que les témoignages qui se succèdent sur scène et sur un écran installé au-dessus d’un gradin mobile composent un portrait de groupe d’une grande homogénéité. En cherchant à poursuivre son travail sur la parole ouvrière, Mohamed El Khatib concentre en effet sa performance sur une seule partie de la communauté à laquelle il s’intéresse. La plus éloignée de son public, lui aussi très homogène sur le plan socioprofessionnel. L’échange est pourtant possible. Dans Do you still love me ? (2015) par exemple, la Serbe Sanja Mitrović en faisait la preuve en réunissant quatre supporters et autant d’acteurs professionnels en une stimulante expérience du frottement.

Anaïs Heluin

A propos de l'événement

Stadium
du mercredi 27 septembre 2017 au samedi 7 octobre 2017
la colline
15 Rue Malte Brun, 75020 Paris, France

Jusqu’au 7 octobre 2017, à 20h30 du mardi au samedi, à 16h le dimanche. Durée de la représentation : 1h45. Tel : 01 44 62 52 52.

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