Ménélas rebétiko rapsodie
Accompagné par la musique de Grigoris Vasilas [...]
Françoise Fabian et Rachida Brakni interprètent Sonate d’Automne, confrontation douloureuse entre une mère et sa fille. Le jeu des actrices permet de dépasser une mise en scène conventionnelle.
« Cela fera sept ans en octobre. » Sept ans que la mère et la fille ne se sont pas vues, et leurs retrouvailles sont chargées d’appréhension et d’attentes. Charlotte, pianiste de renommée internationale, vient de perdre Leonardo, qui partageait sa vie, elle demeure comme toujours centrée sur sa personne et sa réussite. Elle a légué à sa fille Eva une incapacité à aimer. Eva et son mari pasteur Victor vivent une existence sans surprise, elle s’occupe depuis deux ans de sa sœur handicapée et le couple est hanté par la mort accidentelle de leur petit garçon. Victor, résigné, – interprété de façon très touchante par Eric Caruso -, ne peut transformer celle qu’il aime. La mère sûre d’elle, nomade, insouciante et bonne vivante ; la fille timorée, enferrée dans sa maison, tenue par les responsabilités et la tristesse. Lors d’une longue nuit d’insomnie, la relation bascule au-delà des apparences vers le surgissement de la vérité : les paroles convenues cèdent la place à l’éclatement du conflit, au dévoilement des non-dits et à la douleur des manques qui abîment toute une vie.
Prison mentale
Sur la scène, des éléments de décor figurent les différents espaces de la maison d’Eva. Au fond un vaste mur gris, les liens filiaux créent ici une insondable prison mentale, comme souvent chez Bergman, la famille cristallise des conflits paralysants, et génère de terrifiantes privations qui amputent les êtres. C’est en effet une impossible quête d’identité qui mine de l’intérieur Eva. Le film laisse d’ailleurs voir magistralement les méandres qui conduisent de l’évidence de l’amour filial à l’explosion d’une haine débordante, à travers l’exceptionnelle confrontation d’Ingrid Bergman et Liv Ullmann. Marie Deshaires a adapté l’œuvre, et la mise en scène de Marie-Louise Bischofberger ne parvient pas à restituer de façon probante toute la tension et les ambiguïtés de cette confrontation. Plutôt conventionnelle, elle ne soutient pas vraiment le jeu des actrices et ne donne pas toute sa profondeur à leur rendez-vous. Fortes de la complicité artistique qui les unit, Françoise Fabian et Rachida Brakni composent heureusement un duo solide, subtil et nuancé, laissant voir toute la puissance et l’acuité des sentiments et des manques qui submergent.
Agnès Santi
Accompagné par la musique de Grigoris Vasilas [...]