La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

Sergio Boris / L’humanité qui fait mal

Sergio Boris / L’humanité qui fait mal - Critique sortie Théâtre Aubervilliers Théâtre de la Commune
Sergio Boris. CR : DR

Théâtre de la Commune / conception et mes de Sergio Boris

Publié le 17 décembre 2014 - N° 228

Dans l’arrière-salle d’une officine, la nuit, se mêlent le monde des pharmaciens et celui des travestis. Viejo, solo y puto (vieux, seul et pute) a révélé la qualité exceptionnelle du travail de l’argentin Sergio Boris et de sa troupe au festival Novart l’année dernière.

 

Que se passe-t-il dans l’officine de Viejo, solo y puto  ?

Sergio Boris  : Le croisement entre le monde de la pharmacie et celui des travestis, la vie nocturne, les pilules, le labyrinthe des étagères, les hormones, le sang, la cumbia, les soirées mousse, la pizza froide et la bière chaude, le développement des relations entre cinq personnages, où rien ne s’explique à travers ce qui est dit, et surtout les corps pleins de désirs des acteurs… C’est là que nous avons souhaité nous immerger pour raconter la vie dans le vice et l’amour.

 

Le spectacle s’est construit en deux ans, quel a été le processus de création  ?

S.B.  : Travailler avec du temps n’est pas une garantie en soi mais c’est seulement grâce à un travail dans la durée qu’on peut arriver à construire un récit théâtral où tout, absolument tout, est raconté, où tout fait récit. Nous avons improvisé pendant deux ans à partir d’hypothèses de travail afin de construire un récit où le temps, l’espace, les sonorités, l’expressivité multiple de chaque personnage, la conscience musicale du tout soient le centre d’une accumulation dramatique dans le jeu des acteurs. L’acteur ne doit pas être un simple interprète plus ou moins efficace, intelligent ou sensible. Il n’interprète ni un texte, ni même une idée. L’acteur doit être un acteur poétique, qui propose un langage fait de multiples couches simultanées.

 

« Raconter la vie dans le vice et l’amour. »

 

Votre théâtre est-il documentaire ? Réaliste ?

S.B.  : Nous faisons du théâtre et nous croyons que le théâtre contient tout.  Y compris la nécessité de créer des mythes. L’idée du documentaire au théâtre porte en elle le poids de «  la référence  », de ce que nous appelons «  le réel  », mais «  le réel  » n’est rien d’autre qu’un mensonge de plus construit par le pouvoir. Il en est de même du réalisme. Et dès lors il ne permettrait plus d’entrer dans une autre logique. Nous préférons dire que nous volons quelques signes de certaines « réalités », qui nous émeuvent et qui s’éloignent de la névrose bourgeoise.

 

Le titre de la pièce renvoie à un film d’Ettore Scola, votre théâtre adopte-t-il une approche cinématographique  ?

S.B.  : Peut être que cette comparaison, qui m’honore, avec le film d’Ettore  Scola Affreux, sales et méchants, vient de cette recherche de l’expression d’autres figures, d’autres forces, non bourgeoises, du monde d’en bas. De cette recherche de son humanité la plus tranchante, celle qui fait mal. Globalement, le cinéma et le théâtre se rejoignent dans le plan séquence. Mais à la différence du cinéma, le plan séquence est au théâtre son essence même. Et c’est dans ce plan séquence du théâtre que l’acteur peut se défaire et s’extraire de la domination de la personnalité. Cet acteur qui passe de l’autre côté, qui devient « regardé » dans un espace indéterminé, qui n’est pas la vie mais qui lui ressemble, c’est cela le propre du théâtre.

 

Propos recueillis par Eric Demey grâce à la traduction de Judith Martin

A propos de l'événement

Viejo, solo y puto
du jeudi 8 janvier 2015 au jeudi 29 janvier 2015
Théâtre de la Commune
2 Rue Édouard Poisson, 93300 Aubervilliers, France

Mardi et mercredi à 19h30, jeudi et vendredi à 20h30, samedi 18h, dimanche 16h. Relâche le 18 janvier. Tel : 01 48 33 16 16.

 

 

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