L’Inattendu
Sur fond de musique « jazz-pop-rock », la [...]
Une échappée mentale en quête de vérité et de liberté : Nathalie Richard restitue toutes les nuances de ce parcours tortueux d’une jeune femme, épouse et mère. Sur un fil tendu entre le pouvoir de l’imagination et la monotonie du réel.
Une jeune épouse et mère d’un petit garçon mène une vie sans problèmes. Le cabinet dentaire de son mari marche bien : des milliers de dents l’attendent. Son enfant chaque jour file à l’école. Il lui fait un signe de la main. Il ressemble à son mari. Elle s’occupe de la maison, et nage chaque jour. Dix-sept nuits sans sommeil lui font quitter ce morne quotidien et l’entraînent au-delà de la routine vers des rives de conscience insoupçonnées. L’insomnie libère un long monologue, une délicate introspection, une fascinante échappée mentale ciselée par l’écriture de Haruki Murakami et sa manière unique de mêler l’étrange et le familier, le rêve et le réel. Cette jeune femme dit coexister avec la réalité, qui lui paraît parfois totalement étrangère, et aspire à la liberté. Hervé Falloux confie qu’il a adapté l’œuvre la nuit, alors que son quotidien lui paraissait morbide, et qu’elle l’a accompagné vers une nouvelle vie. De grands panneaux inspirés par Nicolas de Staël dans un entre-deux entre abstrait et figuratif sculptent l’espace dans une ambiance très (trop) nocturne, et les lumières donnent quelque relief au monologue.
Faire la vaisselle et penser à Vronski
Ce qui est en jeu ici, c’est moins une plongée de l’autre côté du miroir dans un monde autre voire halluciné, qu’une redécouverte de soi, un cheminement vers la réalité de son être au cœur du tourbillon mental qui l’assaille. Cette quête s’avère d’abord plus joyeuse que périlleuse. L’héroïne et narratrice sans nom devient une « femme à la conscience élargie ». « Je n’avais pas arrêté de penser à Vronski en faisant la vaisselle. » dit-elle. C’est le premier effet de ces nuits sans sommeil : du temps et du silence pour pouvoir lire et relire Anna Karénine. « J’agrandissais ma vie et c’était merveilleux. » Le pouvoir de l’art et le pouvoir de l’imagination sont toujours célébrés chez Murakami. Une telle escapade exige un jeu infiniment nuancé, un jeu qui n’enferme surtout pas cette jeune femme dans un style, un modèle ou une identité, mais qui au contraire laisse émerger toute la richesse et la puissance de sa psychologie. Nathalie Richard parvient à atteindre cette qualité de jeu qui traverse une foule de sentiments contradictoires, donnant au personnage une grande intensité, une délicatesse et une féminité touchantes, entre calme apparent et tempête intérieure, entre force et fragilité.
Agnès Santi
Du mardi au vendredi à 19h, samedi à 16h et dimanche à 18h. Tél. : 01 44 53 88 88.
Sur fond de musique « jazz-pop-rock », la [...]