Selve de Christophe Rulhes
Conception et mise en scène Christophe Rulhes
Publié le 19 décembre 2019 - N° 283La toute nouvelle création du GdRA poursuit le cycle entamé avec Lenga, profondément nourri par le réel d’un monde que la compagnie décortique à travers des personnalités bien choisies. Selve éclaire le parcours de Sylvana, qui vit en Guyane. l’absence / présence de Sylvana en son corps prend le pas sur la forme au risque d’essouffler le spectacle.
Direction l’Amazonie, plus précisément la Guyane et le village de Taluwen où vit et travaille Sylvana. C’est elle la protagoniste du spectacle, elle vers qui tous les regards convergent, de qui s’échappe la parole qui structure le spectacle et en fait tout le propos. Par la vidéo, elle se présente telle quelle, décline son identité de Guyanaise, Française et Amazonienne. Et d’emblée, elle nous fait part du paradoxe de sa vie : « Je vis comme les blancs mais je suis Wayana, l’enfant de la forêt ». C’est dans un aller-retour constant entre les traditions, la culture ancestrale et le rapport au présent que l’on capte des bribes de son existence et, au-delà, la portée politique de son histoire, de celle de sa famille et de son village. Le récit se déroule dans la voix de la comédienne Bénédicte Le Lamer qui prend en charge le texte traduit en français. Petit à petit, le plateau se peuple des visages qui constituent son entourage proche, et l’on peut faire la connaissance de sa sœur, son neveu, sa voisine, ses parents, sa mère adoptive, le responsable du rectorat, sa meilleure amie, le chef du village, le frère suicidé… Ils portent en eux la même histoire, faite de batailles, de conquêtes, de dominations, de combats pour la terre et pour la forêt. Sylvana distille chaque chose de la façon la plus simple possible, ses mots sont bruts, sans fioritures quand elle explique la disparition de la maison Wayana avec l’arrivée de l’électricité, le rôle des évangélistes, la colonisation espagnole, les ravages de l’alcool, l’influence de la culture occidentale…
Texte, musique, danse et scénographie se croisent
En quoi consiste finalement le spectacle du GdRA ? Avec, à la source du processus de création, la rencontre humaine et la collecte de paroles, tout l’enjeu est de faire du plateau le lieu de la transposition du vécu en utilisant différents langages artistiques. Le défi est de taille quant à l’histoire de Sylvana, dans le contexte de la survie d’un peuple face à toutes sortes de dominations et devant les menaces qui brisent leur équilibre écologique. Si le texte, malgré l’absence de Sylvana, est bien incarné (ainsi que la musique avec une mention spéciale à Christophe Rulhes qui fait du Wayana une langue tout à fait rock n’roll), il représente l’attrait principal du spectacle tant le travail du corps peine à trouver sa place. Certes on y danse, l’engagement des gestes de Chloé Beillevaire et de Julien Cassier, tout en dépenses physiques, est profond, mais sans connexion avec l’état de corps de Sylvana. « Laissez-moi respirer, laissez-moi chasser », dit-elle en fin de spectacle. « Laissez-la danser », est-on tenté de rétorquer, alors qu’elle esquisse quelques pas pendant que la danseuse s’épuise. C’est maladroit, tout comme le dernier témoignage en forme de leçon d’écologie asséné au spectateur, perdu dans l’harmonie du décor coloré qui s’est construit sous nos yeux et qui, peu à peu, a dilué la profondeur du propos dans un joli tableau graphique.
Nathalie Yokel
A propos de l'événement
Selve de Christophe Rulhesdu jeudi 16 janvier 2020 au jeudi 16 janvier 2020
L'Empreinte - Scène nationale Brive-Tulle
Place Aristide Briand, 19100 Brive-la-Gaillarde
Scène Nationale d’Albi, le 21 janvier 2020. Théâtre de Mende avec les Scènes croisées de Lozère, le 24 janvier 2020. Théâtre de Vidy, Lausanne, du 5 au 8 février 2020, Festival Spring, Scène nationale 61, Théâtre d’Alençon, les 10 et 11 mars 2020. Festival Spring, le Préau, CDN de Vire, le 17 mars 2020. Spectacle vu au festival CIRCa à Auch.