La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Se trouver

Se trouver - Critique sortie Théâtre
Crédit : Brigitte Enguérand Légende : « Emmanuelle Béart, l’actrice capable de Se Trouver. »

Publié le 10 mars 2012 - N° 196

Nordey monte Se trouver de Pirandello, le drame existentiel d’une actrice qui examine sa vie, confondue dans la fracture du personnage qu’elle joue et de la femme qu’elle est. Une révélation de noble envergure, avec Emmanuelle Béart.

Se trouver, que met en scène Stanislas Nordey, pièce pirandellienne peu connue, créée en France par Claude Régy avec Delphine Seyrig et Samy Frey en 1966, offre au spectateur une vraie découverte dans un décor grandiose art déco de début de siècle. Le seul monde que nous révèle l’art, c’est notre âme puisque la conscience est incapable d’expliquer le contenu de la personnalité : « C’est l’Art, et l’Art seul, qui nous révèle à nous-mêmes » (Oscar Wilde). Ainsi, les jours qui passent sur la scène font œuvre de création pour la protagoniste Donata, interprétée par Marta Abba en 1932, l’actrice d’élection de Pirandello : « Ce qui est vrai, c’est … qu’il faut se créer, créer ! Et c’est alors seulement qu’on se trouve. » Ainsi, au bout d’un parcours initiatique, l’actrice résout le conflit intime qui la déchire, accède à sa vérité et déchiffre son moi profond. Auparavant, sa vie n’était que le théâtre d’une introspection de comédienne livrée aux sensations, aux signes fugitifs d’un désir qui disparaît avant de s’accomplir. Or, se réfugier dans les songes et l’errance imaginaire entretient un sentiment de vacuité devant le miroir nocturne de la loge de théâtre. Pour exister, il faut sentir la confrontation brute des éléments et les vents violents des tempêtes intérieures, en éludant les rôles fictifs trop superficiels.

Sentiment d’inaccomplissement

Aussi Donata se jette-t-elle dans les bras d‘Ely Nielsen, mâle autoritaire et extraverti, possessif et jaloux. Le sentiment d’inaccomplissement de l’actrice se démultiplie face à l’insatisfaction sensuelle de vivre auprès d’un piètre compagnon, un échec privé. L’actrice fait dès lors un retour sur les planches : la scène avec la magie du rôle lui révèle sa vérité, ce que lui refusait la vie. En s’identifiant au personnage, elle trouve le chemin de l’accomplissement « en tant que femme ». Donata renonce à Ely pour trouver son unicité au-delà des frustrations. Au cours de ce discours, un drame fait de théâtre dans le théâtre, le spectateur est invité au parcours poétique d’une présence féminine dont la dignité tient à la qualité de ses exigences. La représentation diffuse ce plaisir de l’échange entre artistes philosophes que Nordey déploie dans la lumière d’un hall spacieux, escalier de palace et rangée stylisée de portes-fenêtres, comme livrant la scène à la page blanche de ce beau mystère de vivre. Et à la nostalgie inconsolée d’un amour qui serait différent entre amants, répond la virtuosité des acteurs sur ces chemins de quête dialectique : Claire-Ingrid Cottanceau, Vincent Dissez, Raoul Fernandez, Marina Keltchewsky Frédéric Leidgens… Emmanuelle Béart, star glamour attachée à son authenticité, est parfaite.

 

Véronique Hotte


Se trouver, de Luigi Pirandello, traduction de Jean-Paul Manganaro ; mise en scène de Stanislas Nordey. Spectacle vu au Théâtre National de Bretagne à Rennes.

 Du 6 mars au 14 avril 2012, du mercredi au samedi à 20h30, mardi à 19h30 et dimanche à 15h30. Durée : 2h30. Théâtre de la Colline, 15 rue Malte-Brun 75020 Paris. Tél : 01 44 62 52 52.

A propos de l'événement


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