La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Courteline, amour noir

Courteline, amour noir - Critique sortie Théâtre
Crédit photo : DR Légende photo : Les Boulingrin, apothéose de la haine et tombeau du mariage.

Publié le 10 mars 2012 - N° 196

Humour noir et rire jaune, femmes rouges de colère et maris verts de peur : Jean-Louis Benoit utilise toute la talentueuse palette de quatre comédiens épatants pour mettre en scène Courteline.

« Il y a deux sortes de mariages, disait Courteline, le mariage blanc et le mariage multicolore parce que chacun des deux conjoints en voit de toutes les couleurs. » Dans Courteline, amour noir, les costumes de Marie Sartoux jouent plaisamment de cet aphorisme, et le jeu des quatre comédiens (Valérie Keruzoré, Ninon Brétécher, Thomas Blanchard et Sébastien Thiéry) est lui aussi haut en couleurs ! Tout déménage, valse et explose dans le triptyque composé par Jean-Louis Benoit, à partir de trois courtes pièces de Courteline. Dans La Peur des coups, un pleutre jaloux accuse sa femme de s’être comportée comme une fille auprès d’un capitaine, lors d’une soirée dansante. Le fanfaron est prêt à en découdre avec son rival, mais lorsque sa femme lui fournit l’adresse du militaire malotru, le mari se débine : mieux vaut cocu que mort… Dans La Paix chez soi, un écrivaillon qui tire à la ligne trouve le moyen de rééquilibrer les frais du ménage en mettant sa moitié à l’amende pour insulte et contrariétés. Enfin, dans Les Boulingrin, le pique-assiette Des Rillettes se retrouve pris entre les feux nourris de la passion dévastatrice qui déchire Boulingrin et Madame.

Une comédie endiablée au goût saumâtre

Courteline fait court et efficace, et Benoit suit le rythme. A l’avant-scène, une casserole reçoit le goutte-à-goutte agaçant d’une fuite d’eau persistante : le mariage n’est pas étanche et tape sur les nerfs. Le décor campe un intérieur qui ressemble aux mansardes où les tourtereaux sont devenus rapaces, à force de misère et de mesquinerie. Les trois pièces s’y jouent à la suite, jusqu’à la festive et délirante explosion finale, par laquelle les Boulingrin transforment leur haine en feu d’artifice. Les hommes sont mesquins, veules et odieux ; les femmes sont rouées, intéressées et braillardes. La tyrannie est réciproque, et l’amour a depuis longtemps déserté les foyers : les attachements sont devenus des rets, bourreaux et victimes sont interchangeables. Jean-Louis Benoit choisit la légèreté pour échapper au marasme et, comme Courteline, masque la misanthropie par l’hilarité. On rit beaucoup, mais on est atterré, et on s’aperçoit finalement que si l’humour est la politesse du désespoir, la comédie est peut-être celle de la tragédie.

Catherine Robert


Courteline, amour noir (La Peur des coups, La Paix chez soi, Les Boulingrin), textes de Georges Courteline ; mise en scène de Jean-Louis Benoit. Du 6 au 9 mars 2012. Mardi, mercredi et vendredi à 21h ; jeudi à 19h30. Théâtre de Sartrouville et des Yvelines – CDN, place Jacques-Brel, 78500 Sartrouville. Tél : 01 30 86 77 79. Du 14 au 30 mars 2012. Mardi et jeudi à 19h30
 ; mercredi, vendredi et samedi à 20h30 ; dimanche à 16h. Théâtre de la Commune, 2, rue Edouard-Poisson, 93300 Aubervilliers. Tél :01 48 33 16 16. Tournée en France jusqu’en mai 2012. Spectacle vu au Théâtre de Marseille – La Criée. Durée : 1h30.

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