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Théâtre - Critique

Sara Giraudeau met en scène « Le syndrome de l’oiseau », une étrange histoire de prédation sexuelle entre conte noir et fait divers

Sara Giraudeau met en scène « Le syndrome de l’oiseau », une étrange histoire de prédation sexuelle entre conte noir et fait divers - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre du Petit Saint-Martin
Le syndrome de l’oiseau est au Petit St Martin CR : Giovanni Cittadini Cesi

Théâtre du Petit Saint-Martin / Texte de Pierre Tré-Hardy / Mise en scène de Sara Giraudeau et Renaud Meyer

Publié le 27 janvier 2024 - N° 319

Mené par le duo de choc Patrick d’Assumçao – Sara Giraudeau, Le syndrome de l’oiseau déploie une terrible histoire de prédation sexuelle aux allures de conte noir, à travers une partition originale.

Au début, on se croirait revenu dans les années 1950. Un homme apparemment amoureux mais dirigiste revient du travail et prend soin avec beaucoup trop d’autorité de sa femme dont la santé mentale paraît fragile. Et petit à petit, de bizarreries en bizarreries, au fur et à mesure que le schéma traditionnel déraille, le spectateur comprend que la femme est en réalité séquestrée, là aujourd’hui, dans les années du Web et de la remise en cause du patriarcat. Enfermée et même emprisonnée depuis son adolescence dans un logement d’allure simple et sombre, sous-sol à demi enterré que n’éclaire qu’un soupirail, qui petit à petit se met à ressembler à ces caves sordides où ont été cloîtrées dans la réalité des victimes de prédateurs sexuels tout autant qu’à ces maisons d’ogres ou châteaux de Barbe-Bleue d’où les jeunes filles ne peuvent s’échapper. Longtemps, l’on oscille donc entre une histoire terrible digne d’un fait divers et un conte noir où se déploierait la métaphore des violences masculines à l’œuvre dans bien des couples, comme on le comprend heureusement de mieux en mieux aujourd’hui.

Sur la voie d’un étrange thriller

C’est dans cet entre-deux que Le syndrome de l’oiseau prend tout son intérêt.  Quand il parle des relations homme-femme, des violences qui peuvent s’exercer à travers ce duo tout aussi monstrueux qu’ordinaire. Mais également dans l’excellente interprétation d’un Patrick d’Assumçao, bonhomme épais qui balance des mots d’amour et des menaces de mort sur le même ton à une tout aussi convaincante Sara Giraudeau, femme enfant sous l’emprise de son bourreau avec un grand corps de libellule prêt à casser (elle a reçu pour ce rôle en 2023 le Molière de la meilleure comédienne). Brille aussi dans ce spectacle le texte de Pierre Tré-Hardy, simple, épuré, qui joue et déjoue les apparences comme sait si bien le faire le théâtre et qui enraille la fin de son histoire sur les voies d’un thriller afin que tremble le spectateur de savoir si la Belle aura finalement la peau de la Bête. Alternant suspens malicieux à coups de verre empoisonné et de secours qui tardent indéfiniment à arriver, le spectacle s’essouffle cependant par moments, laisse retomber la tension à travers quelques redites ou épisodes secondaires. Mais l’étrangeté de ce couple, les nombreux rebondissements, le crescendo dans le dévoilement de l’horreur, l’audace de déployer au plateau une histoire aussi sombre tout en gardant la légèreté du jeu, et enfin les résonances de ce récit singulier en ont déjà fait, avant sa belle image finale, un spectacle original et marquant.

Eric Demey

A propos de l'événement

Le syndrome de l’oiseau 
du mardi 23 janvier 2024 au samedi 20 avril 2024
Théâtre du Petit Saint-Martin
17 rue René Boulanger 75010 Paris

du mardi au samedi à 19h ou 21h selon calendrier. Tel : 01 42 08 00 32. Durée : 1h20.

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