La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Avignon / 2012 - Entretien Rolf Abderhalden

Rituel de fête et de violence

Rituel de fête et de violence - Critique sortie Avignon / 2012

Publié le 10 juillet 2012 - N° 200

Pour la première fois au Festival d’Avignon, Heidi et Rolf Abderhalden créent Los Santos Innocentes, inspiré de la violente fête rituelle d’une petite ville de la côte pacifique colombienne. Performance, théâtre documentaire et transdisciplinaire, ethno-fiction : la pièce met en perspective la violence colombienne.

« Le théâtre que je crée avec ma sœur Heidi relève de la micro-politique, de rapports qui atteignent la vie intime de l’être. »
 
Quel est ce premier volet du triptyque Anatomie de la violence en Colombie ?
Rolf Abderhalden : Le Mapa Teatro est constitué de créateurs issus de disciplines comme le cinéma, la vidéo, le son, les arts plastiques. Nous discutons nos projets transdisciplinaires avec des anthropologues, des philosophes, des sociologues, des historiens, autour du thème de la violence de la réalité colombienne. Le théâtre que je crée avec ma sœur Heidi relève de la micro-politique, de rapports qui atteignent la vie intime de l’être dans son propre corps quotidien.

Quel est ce jour des Saints Innocents
auquel le spectacle fait référence ?
R. A. : C’est une fête religieuse catholique marquée par l’animisme dans une petite ville côtière isolée, entourée par la forêt vierge et l’Océan Pacifique. Guapi est une ville de descendants d’Afrique. Cette fête est un mariage entre le rituel catholique et un moment de transgression, un retour sur le rôle de l’esclave noir qui a le droit ce jour-là de fouetter le maître. Notre petite équipe y est allée en 2009. On s’est retrouvé dans une célébration d’une force extrême, une manifestation d’hommes masqués et déguisés en femmes, tenant le fouet et courant après les passants non masqués pour les battre.

Comment la population peut-elle accepter de se faire fouetter ?
R. A. : Dans la célébration de la rue, les hommes acceptent ce geste d’agression. D’une année sur l’autre, on est fouetteur ou fouetté pour se rappeler les coups subis par le corps des ancêtres. Le corps est exposé pour raviver la mémoire de la maltraitance, du châtiment et de la soumission de l’esclave.

Quelle est la violence plus particulièrement dénoncée ?
R. A. : La région de Guapi a été touchée par la guérilla, les interventions armées paramilitaires et le trafic des narcotiques. La ville a profité de cette fête pour faire de la résistance civile à cette infiltration extérieure à sa communauté. La fête et la mort sont en rapport étroit sur la scène du conflit colombien, on passe des scènes de célébrations à des scènes de massacres. Le spectacle intègre aussi la fiction d’un anniversaire réel – celui de ma sœur. La situation micro-politique à révéler est celle de la peur violente d’un corps qui se sent assailli brutalement.
 
Propos recueillis par Véronique hotte


Festival d’Avignon. Auditorium du Grand Avignon – Le Pontet. Du 11 au 18 juillet 2012 à 16h, relâche le 13. Tél : 04 90 14 14 14. Durée estimée : 1h.
 
Los Santos Innocentes / Auditorium du Grand Avignon – Le Pontet
Conception et mes Heidi et Rolf Abderhalden

A propos de l'événement


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