La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Révélation. Red in Blue Trilogie

Révélation. Red in Blue Trilogie - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre de la Colline
© Simon Gosselin Révélation. Red in Blue Trilogie mis en scène par Satoshi Miyagi

mes Satoshi Miyagi

Publié le 26 septembre 2018 - N° 269

Mise en scène par Satoshi Miyagi, la troupe du Shizuoka Performing Arts Center met son art du rituel musical et dansé au service de Révélation, le premier volet de la Red in Blue Trilogie de Léonora Miano, consacré à la mémoire de la traite transatlantique. Une rencontre au sommet entre cultures éloignées.

Être un africain, dit l’auteure d’origine camerounaise Léonora Miano, c’est vivre à « l’endroit où les mondes se touchent, inlassablement. C’est le lieu de l’oscillation constante : d’un espace à l’autre, d’une sensibilité à l’autre, d’une vision du monde à l’autre ». Aussi, lorsque Wajdi Mouawad, directeur du Théâtre de la Colline, lui demande par qui elle rêverait de voir monter Révélation, sa première pièce de théâtre, répond-elle « Satoshi Miyagi ». Une belle intuition. Plutôt tournés vers les auteurs antiques et vers le répertoire classique européen – la dernière fois que nous les voyions, c’était dans Antigone en 2017 à Avignon, dans le Palais des Papes – le Japonais Satoshi Miyagi et les artistes du Shizuoka Performing Arts Center qu’il dirige depuis 2007 se prêtent avec d’autant plus de grâce et de subtilité au pont culturel que leur propose Léonora Miano qu’il découvrent dans son texte une sensibilité face à la mort très proche de la leur. Un monde où les hommes morts d’une façon injuste laissent derrière eux des âmes errantes. Incapables de trouver le repos auquel elles aspirent. Dans Révélation. Red in Blue Trilogie, ils font leur l’« espace cicatriciel » qu’a laissé en Afrique la traite transatlantique.

Rituel pour une réconciliation

L’espace mythologique de Révélation offre un terrain propice à la rencontre. Chez Satoshi Miyagi, la plaine au sol d’anthracite décrite dans les didascalies de Léonora Miano, où l’aube se confond avec le crépuscule et où le territoire des Ombres jouxte le monde des vivants, se déploie sur un plateau presque nu, surmonté de deux grands cercles qui se chevauchent. L’un noir, l’autre blanc. Dépliant d’abord plusieurs bandes de tissu blanc qu’ils font ondoyer pour dire le trouble de Mangamba, l’océan primordial, les seize musiciens et comédiens de la pièce parlent par symboles autant que par les mots de Léonora Miano traduits dans leur langue. Dans des costumes inspirés de tenues traditionnelles japonaises, ils racontent à leur manière la singulière fable imaginée par l’auteure. Où les âmes à naître, les Mayibuye – mot zoulou d’Afrique du Sud, qui désigne l’époque d’avant l’Apartheid –, « voyant le chaos qui les attend là-bas dans le Pays, refusent de s’y projeter » avant que soient entendus les esprits des Subsahariens responsables de la traite. Kalunga, gardienne des passages entre les mondes, devient chez eux un clown sautillant et facétieux tel qu’on en trouve dans toutes les créations de Satoshi Miyagi. Tandis qu’Inyi, la figure féminine du divin, est comme souvent chez le Japonais interprétée par deux actrices. Ainsi sortie de la confrontation Afrique/Europe que Léonora Miano juge épuisée, l’histoire de la traite transatlantique devient un récit universel de réconciliation d’une grande élégance et dignité.

Anaïs Heluin

A propos de l'événement

Révélation. Red in Blue Trilogie
du jeudi 20 septembre 2018 au samedi 20 octobre 2018
Théâtre de la Colline
15 rue Malte Brun, 75020 Paris.

du mercredi au samedi à 20h30, le mardi à 19h30 et le dimanche à 15h30. Tel : 01 44 62 52 52.

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