La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

La Conférence des oiseaux

La Conférence des oiseaux - Critique sortie Théâtre Colmar Comédie de l'Est - CDN de Colmar
La Conférence des oiseaux mis en scène par Guy-Pierre Couleau © Laurent Scheegans

Comédie de l’Est / de Jean-Claude Carrière / mes Guy-Pierre Couleau

Publié le 26 septembre 2018 - N° 269

Guy-Pierre Couleau s’empare d’un conte rendu célèbre par la mise en scène de Peter Brook, en 1979 : La Conférence des oiseaux de Jean-Claude Carrière, inspiré de l’œuvre du poète persan du XIIème siècle Farid Uddin Attar.

La première fois que leur présence a été signalée, c’était dans la pinède du Domaine d’O à Montpellier en juin dernier, lors du Printemps des Comédiens. Un cadre idyllique pour les dix comédiens de La Conférence des oiseaux mise en scène par Guy-Pierre Couleau, où ils incarnent des volatiles de toutes sortes : un héron, une perdrix ou encore un faucon, entraînés par une huppe (excellent Luc-Antoine Diquéro) qui ne voit en eux que « querelles et batailles, pour une parcelle de territoires, pour quelques grains de blé ». Et qui, en quête d’un monde meilleur, plus doux, les convainc de renoncer à leur confort pour partir à la recherche de leur roi. Un certain Simorg, dont la seule trace connue est une plume tombée une nuit en Chine. Quelques mois après leur envolée, c’est à la Comédie de l’Est, dont Guy-Pierre Couleau vient de quitter la direction, que l’on retrouve ces drôles d’oiseaux dont le jeu porte à lui seul la magie des sous-bois. Aidés par les superbes masques d’oiseaux conçus par Kuno Schlegelmilch qui laissent voir une partie de leur visage, ils font appel à une technique séculaire pour déployer leur fable : celle du conte. Entre récit et incarnation, devant un miroir à trois faces qui leur renvoient leur propre image en même temps que celle des spectateurs, ils se défont peu à peu de leurs mimiques animales pour retrouver une attitude humaine. Leur conte, disent-ils ainsi très simplement, est une parabole. Une histoire d’hommes déguisée en histoire d’oiseaux.

Des masques et des plumes

Très peu portée sur scène depuis la création de Peter Brook en 1979 au Festival d’Avignon, cette adaptation d’un poème du mystique persan Farid Uddin Attar écrite par Jean-Claude Carrière trouve ici une nouvelle jeunesse. Sobre, minimaliste, la mise en scène de Guy-Pierre Couleau souligne très subtilement les résonnances actuelles du texte. Dans l’espace laissé par le décor – en plus des trois miroirs, une vitrine éclairée façon cabaret fait office de bar à masques pour les comédiens – et le jeu, chacun peut projeter dans la migration des oiseaux ses propres voyages. Penser, par exemple, à des exils d’aujourd’hui. Voir dans les sept vallées que traversent les protagonistes ailés un sens plus métaphysique. Car, inspirée par la philosophie soufie, La Conférence des oiseaux est d’abord l’histoire d’un voyage intérieur. D’un périple qui mène vers une meilleure connaissance de soi, condition sine qua non d’une vie en société plus harmonieuse. Plus ouverte à la différence. De cultures diverses, les dix artistes de la pièce – parmi lesquels, le comédien d’origine camerounaise Emil Abossolo M’Bo, Manon Allouch qui a grandi entre la Réunion et la Nouvelle-Calédonie, le Suédois Nils Öhlund ou encore le Persan Sharokh Moushkin Galam – portent avec force cette dimension de la fable. De l’aventure aérienne, ils font une intense épopée humaine.

Anaïs Heluin

A propos de l'événement

La Conférence des oiseaux
du mardi 2 octobre 2018 au vendredi 19 octobre 2018
Comédie de l'Est - CDN de Colmar
6 route d’Ingersheim, 68000 Colmar

Tel : 03 89 41 33 26. www.comedie-est.com

x

Suivez-nous pour ne rien manquer sur le Théâtre

Inscrivez-vous à la newsletter

x
La newsletter de la  Terrasse

Abonnez-vous à la newsletter

Recevez notre sélection d'articles sur le Théâtre