La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

Retrouver la fierté d’être humain

Retrouver la fierté d’être humain - Critique sortie Théâtre Strasbourg Théâtre National de Strasbourg
Julie Brochen Crédit photo : Franck Beloncle

Théâtre national de Strasbourg / Liquidation /
D’après Kertesz / Adaptation et mes Julie Brochen

Publié le 25 octobre 2013 - N° 214

D’un roman à l’autre, l’écrivain hongrois Irme Kertész continue de creuser la réflexion sur l’après-Auschwitz et construit une œuvre singulière, entre témoignage et fiction, essai et récit. Avec Liquidation, publié en 2004, le Prix Nobel de littérature réaffirme la contamination profonde des valeurs fondamentales de l’Occident par la Shoah mais aussi la nécessité de la littérature et de la culture. Julie Brochen, metteure en scène et directrice du Théâtre national de Strasbourg, le porte à la scène.

« Kertész parle de la nécessité de mettre l’art et la culture au centre de la vie. »

Quel chemin vous a mené à ce roman ?

Julie Brochen : J’ai véritablement découvert son œuvre en 2002, après avoir assisté à une conférence où il disait que la valeur de l’humanisme avait brûlé avec l’holocauste. Ses propos m’avaient jetée dans une profonde réflexion car, sans cette valeur fondamentale, comment vivre, comment être, en soi et ensemble ? Je m’étais alors plongée dans ses écrits, qui se déploient comme une constellation autour non pas de ce qu’il a vécu à Auschwitz puis Buchenwald, mais de ce que cela a mis en travail en lui. Récemment, j’ai relu Liquidation. Le livre m’est littéralement tombé dessus en chutant (par hasard ?) de ma bibliothèque, à un moment où sans doute j’éprouvais le besoin de retrouver ce qui fait l’essentiel d’une vie, de ma vie. A la lecture, j’ai ressenti une déflagration lumineuse car il parle de la nécessité de mettre l’art et la culture au centre de la vie, de retrouver en nous cette fierté d’être humain. Le théâtre est ma façon de donner vie à un monde impossible à contenir en soi. Je suis actrice et metteure en scène, et donc « parle » à travers la parole des auteurs qui sont mon lien au monde.

Le texte, très complexe, procède par emboîtement de plusieurs récits, enchâssement du théâtre dans le roman, de la prédiction dans le passé. Comment avez-vous réalisé l’adaptation ?

J. B. : J’ai d’abord absorbé toute cette « matière » pour qu’elle décante en moi et pour en percevoir les différentes strates. Je voulais préserver la structure très originale du roman, qui s’articule autour de deux figures, l’écrivain B. et son éditeur Keserü, et qui va et vient entre deux époques : 1990, après la chute du système totalitaire, et 1999. B. est ainsi nommé parce qu’il est né à Auschwitz et que son matricule lui a été tatoué sur la cuisse. Le récit s’ouvre en 1999, alors que Keseru feuillette une pièce de théâtre intitulée « Liquidation, comédie en trois actes » dont l’action se situe à Budapest en 1990. Cette pièce fait partie des manuscrits de B. que Keserü a récupérés juste après le suicide de l’écrivain. Elle met en scène les amis de B. cherchant à élucider le mystère de son acte et la quête obstinée de Keserü pour retrouver un roman ultime que B. aurait, selon lui, écrit avant de disparaître. Autrement dit, le roman Liquidation se déroule dans le temps de la lecture de la pièce Liquidation, écrite neuf ans plus tôt, qui anticipe ce qui est en train de se passer.

 

Comment avez-vous abordé ce projet avec la troupe du TNS ?

J. B. : Nous avons d’abord travaillé deux semaines à la table afin que les comédiens puissent dessiner leur personnage et trouver leur parcours dans l’adaptation. Le jeu s’appuie sur l’espace scénographique, qui structure les différentes strates du récit et se métamorphose. Jusqu’à brouiller ce qui relève du réel représenté et de la représentation de la pièce.

 

Entretien réalisé par Gwénola David

A propos de l'événement

Liquidation
du vendredi 29 novembre 2013 au jeudi 19 décembre 2013
Théâtre National de Strasbourg
1 avenue de la Marseillaise, 67000 Strasbourg.

Du 29 novembre au 19 décembre, à 20h, relâche dimanche et lundi. Tél. : 03 88 24 88 24. Le roman est publié aux éditions Actes Sud.
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