La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Reset

Reset - Critique sortie Théâtre
légende photo : Reset explore les rapports entre théâtre et vidéo. crédit photo : Anne Nordmann

Publié le 10 février 2010

Reset : réinitialisation avec effacement de la mémoire pour deux hommes qui disparaissent dans des histoires entrelacées. Avec cette création sur l’identité labile, le collectif MXM poursuit son travail d’intégration du langage vidéo dans l’espace théâtral.

La réalité du monde extérieur est-elle plus tangible que celle de notre existence ? Un homme est admis à l’hôpital, qui, s’il se souvient bien des données de l’Histoire, a oublié la sienne. X.Y, HoNi (homme non identifié), souffre d’amnésie identitaire, et on pense à Alzheimer. Parallèlement, un enfant qui joue au ballon contre le mur voit son père disparaître. C’est une boîte modulable qui, dans son lent mouvement d’essuie-glace, l’efface silencieusement de la scène, comme le dessin d’une ardoise magique. Elément central du dispositif, ce rectangle mobile, translucide et blanc – tantôt écran, tantôt maison, tantôt miroir, tantôt chambre d’hôpital – transforme les intérieurs en espace mental. S’y projettent les images des acteurs sur le plateau, des réminiscences, des scènes oniriques, le gros plan d’un œil ou d’une main, qui vient rappeler combien la grammaire de l’image est différente de celle du théâtre.
 
« Je me sens proche de vous, c’est abstrait. Je suis comme avant »
 
L’image agit en fait comme un trou noir : elle absorbe le sens, le souvenir, l’identité, au même titre que les mots. Le nom perdu d’HoNi est la métaphore du langage. Oublions les mots, effaçons les images, et du monde plus rien ne parle. « Je me sens proche de vous, c’est abstrait. Je suis comme avant » explique-t-il à sa famille qu’il ne reconnaît pas. Tout est à reconstruire. La modalité de sa dernière phrase, suspendue entre assertion et interrogation, pose sa maladie comme le lot commun de notre existence. Sommes-nous quelqu’un dans le monde autrement que par le fil fragile de notre conscience ? Quels liens tissons-nous avec lui qui soient réellement durables ? Par un subtil travail sonore, le réel résonne en mouvements évanescents (pas, voix, aboiements), les états subjectifs en faisant varier la présence. Les comédiens, dans la pénombre, parlent et bougent dans une forme d’irréalité. Les personnages revêtent des identités mouvantes et incertaines. Tout dans Reset dit combien notre rapport au monde est fragile. Labilité de l’identité décuplée dans une société de l’individuation et de l’image, où l’existence se morcelle et prend de plus en plus souvent des formes virtuelles. Cyril Teste, assisté de Joël Jouanneau, a conçu un spectacle poétique, intelligent et ambitieux, qui se heurte cependant aux inéluctables exigences du théâtre. Comme un bloc, ce dernier résiste à la monotone lenteur du rythme et aux contraintes technologiques qui pèsent sur le jeu. Ne s’oppose pas à un travail d’exploration l’immuabilité de certains principes : l’étincelle pourra naître de la f(r)iction. Reset, le terme désigne le redémarrage brutal d’un ordinateur. Chaque soir, un enfant figurera la difficulté de tout reconstruire avec pour seul monde un ballon. Une métaphore du théâtre.
 
Eric Demey


Reset, texte et mise en scène de Cyril Teste. Du 4 au 21 février au Théâtre Gérard Philipe, 59 Bd Jules Guesde, 93200 St-Denis. Du lundi au vendredi à 20h, samedi  à 19h, dimanche à 16h. Tél : 01 48 13 70 00. Spectacle vu à la Ferme du Buisson.

A propos de l'événement


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