La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

René l’énervé

René l’énervé - Critique sortie Théâtre
© Giovanni Cittadini Cesi Légende : Un chœur antique, un peu anachronique… mais très réussi !

Publié le 10 octobre 2011 - N° 191

Jean-Michel Ribes dénonce avec entrain et talent les travers de notre gouvernance politique hexagonale : un “opéra bouffe“ farcesque bien mené et bien interprété, où le rire résiste à ce qui chagrine.

Frais, gracieux, vif et enjoué, le spectacle de Jean-Michel Ribes, opéra bouffe allègre rythmé par la musique de Reinhardt Wagner, dénonce avec entrain les travers de notre gouvernance politique, croquant une galerie de portraits gratinés et drôles : le rire résiste ainsi à ce qui chagrine, et le comique esquive la tristesse du réel, voire la colère, avec un talent désopilant ! Car la pièce est une réponse au cirque politique, barnum médiatique et spectaculaire, signe patent que la politique est (aussi… ou parfois surtout) affaire de communication. Certes, en multipliant les clins d’oeil à l’actualité politique depuis grosso modo l’élection de Nicolas Sarkozy à la fonction suprême, clins d’oeil évidents que le public se délecte de reconnaître et qui constituent une inépuisable source de comique grinçant, le spectacle affirme sa dimension satirique ancrée dans notre temps politique hexagonal, et en cela limite sa portée, plus ponctuelle qu’universelle. Mais nous ne sommes pas chez Montesquieu, il ne faut pas bouder son plaisir, surtout que cette “clownerie coloriée librement avec bonne et mauvaise foi” selon les mots de l’auteur et metteur en scène, ne manque pas de finesse et touche très bien sa cible. René, formidablement interprété par Thomas Morris, est impayable : agité évidemment, toujours en mouvement, il prône le bon sens, la simplicité, il est en forme, il réforme, et il gagne. Son cheveu dur le protège de la… littérature. “Que j’aime sa rage, c’est un anthropophage, il va tous les bouffer !” confie un proche.

 

Brainstorming sur l’édredon

 

Il existe un double de René, opposé au premier, épicier de son état, sorte de conscience morale du Président, dont l’utilité dramaturgique n’est pas évidente. L’auteur semble justifier ce second René en suggérant que peut-être le Président n’est pas aussi caricatural qu’il apparaît. Le choeur antique et “un peu anachronique“ est par contre en tous points réussi, et s’intègre parfaitement à l’intrigue. Mention spéciale à Hurtzfuller (Till Fechner), un des proches conseillers de René l’énervé, qui aime les Arabes quand ils ressemblent… aux habitants du Cantal. Quant à l’opposition, elle n’est pas en reste. Une scène mémorable de brainstorming sur l’édredon les épingle, Ginette (Emmanuelle Goizé) pasionaria exaltée comme Gaufrette (Sophie Angebault) plus posée, deux adversaires de campagne… “Ne croyez pas que nous dormons, nous rêvons.” Une fois René au pouvoir, deux transfuges de l’opposition, Foculot et Judasso, intègrent l’équipe des ministres absurde et un brin surréaliste. Les nouveaux philosophes, les écolos bio, les Cons de la Nation… en prennent pour leur grade. La mise en scène bien réglée, la scénographie comme la vidéo efficaces, permettent aux vingt et un comédiens et chanteurs de créer une belle partition homogène, joyeuse et piquante. Et la scène finale opportune, où le ton change à juste titre, montre un bel esprit de troupe… 

 

Agnès Santi


René l’énervé, Opéra bouffe et tumultueux, auteur et metteur en scène Jean-Michel Ribes, du 7 septembre au 29 octobre à 21, dimanche à 15h, au Théâtre du Rond-Point, 75008 Paris. Tél : 01 44 95 98 21. Durée : 2h30.

A propos de l'événement


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