La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

Gérard Astor

Gérard Astor - Critique sortie Théâtre
Crédit : DR Légende : Gérard Astor

Publié le 10 octobre 2011 - N° 191

Plateformes Arts en Méditerranée : s’inscrire dans le brassage des arts et des peuples

Du 6 au 29 novembre, Gérard Astor accueille la deuxième édition des Plateformes Arts en Méditerranée au Théâtre Jean-Vilar de Vitry. Trois semaines de spectacles, débats, films, rencontres avec des artistes et intellectuels de Syrie, Tunisie, Égypte, Lybie, Gaza, Chypre, Italie…
 
 « Cela ouvre un territoire d’échanges entre artistes, œuvres et public, et crée la possibilité d’émergence d’une nouvelle culture. »
 
 
Comment sont nées les Plateformes Arts en Méditerranée ?
Gérard Astor : Un soir de 2004, sous les étoiles du Palais Al Azem de Damas où l’acteur, auteur et metteur en scène syrien Ramzi Choukair donnait sa pièce Al Zir Salem et le Prince Hamlet, grande réflexion sur la nature du pouvoir autocratique fomenteur de guerres intestines. Ce même soir, je lui ai proposé de créer une version française de ce spectacle. Les deux « partitions » furent données l’année suivante à l’Opéra de Damas et au Théâtre de Vitry.
 
Comment pourriez-vous définir la vocation et l’identité de ces Plateformes ?
G. A. : Ramzi Choukair, son fondateur, en donne les principes : aider l’équipement de salles alternatives à Damas, ainsi que la formation des comédiens et techniciens syriens dans un dialogue qui unira d’abord la France et la Syrie, mais aussi tous les pays qui bordent la Méditerranée. Cela ouvre un territoire d’échanges entre artistes, œuvres et public, et crée la possibilité d’émergence d’une nouvelle culture.
 
En quoi cette manifestation s’inscrit-elle dans la ligne artistique que vous défendez à la tête du Théâtre Jean-Vilar de Vitry ?
G. A. : Notre ligne est de travailler à de nouveaux liens entre artistes et publics, en déployant un espace commun dans le temps de la création. Ceci suppose de nous inscrire dans le grand brassage des arts et des peuples. C’est ainsi que nous avons tissé des liens inédits avec la chorégraphe Lia Rodrigues et la favela de Rio où elle est implantée, avec l’écrivaine québécoise Suzanne Lebeau ou le chorégraphe français Kader Attou, aujourd’hui directeur du CCN de La Rochelle.
 
Quelles sont les images fortes que vous retenez de la première édition de ces Plateformes, qui s’est déroulée en Syrie, en 2010 ?
G. A. : La vitalité de la scène syrienne, des étudiants de l’Institut National d’Art Dramatique de Damas, de la scène « arabe » en général, des espoirs qui habitaient le public qui emplissait les salles. Ceci avec l’efficacité de la Direction des Théâtres, qui a accueilli cette première édition dans son propre festival. Mais dans un contraste tragique avec le contenu même du spectacle d’ouverture de ce festival que je découvrais conçu à la gloire du pays et de ses gouvernants.
 
Vos choix artistiques à la tête du Théâtre Jean-Vilar révèlent, depuis de nombreuses années, un lien particulier avec le monde arabo-musulman…
G. A. : Vitry, la région parisienne et de nombreux quartiers parisiens comptent parmi leurs habitants beaucoup d’hommes et de femmes tenant leurs origines du monde arabo-musulman. Celles-ci enrichissent la culture de notre pays commun, à condition qu’on les reconnaisse comme force vive, créatrice, comme force d’avenir. Le chant berbère qui s’est élevé du public à la fin du ballet Pororoca de Lia Rodrigues (ndlr : ballet présenté au Théâtre Jean-Vilar, en novembre 2009), a pu étonner, mais il était la marque du « territoire entre », si cher à la chorégraphe brésilienne, que nous avions su créer. Il y a aussi que cette culture apporte beaucoup à l’art vivant français. Elle lui donne confiance dans une manière d’écrire moins linéaire et moins logique, une manière d’écrire où, comme l’explique l’historien Michel Dousse, « les signes se répondent dans une simultanéité quasi spatiale…, dans un ordre "combinatoire" où les époques, les lignes thématiques et récits se trouvent tissés entre eux »*.
 
La direction artistique de ces Plateformes est assurée par Ramzi Choukair. Pouvez-vous nous présenter cet homme de théâtre ?
G. A. : Ramzi Choukair triomphe aujourd’hui dans Les mille et une nuits de Tim Supple, spectaclequi, après l’Amérique du Nord, vient d’être présenté au Festival d’Edimbourg. Je l’ai rencontré comme directeur technique de Nuits guerrières, de Gilles Zaepffel, que nous avions coproduit et qui fut créé au Sud-Liban dans le fracas des bombes israéliennes. C’est un homme qui veut doter son pays des outils modernes de la création artistique, qui vit aujourd’hui en France, et a fondé ces Plateformes
 
Pouvez-vous, en quelques mots, éclairer le programme de cette édition 2011 ?
G. A. : Plus qu’un « programme » c’est un vrai territoire, qui va réunir des publics et des artistes venus de neuf pays des bords de la Méditerranée, dans le souffle des insurrections arabes et des questionnements agitant nos scènes respectives depuis des années — questionnements qui ne sont pas étrangers aux espérances nées aujourd’hui.
 
Entretien réalisé par Manuel Piolat Soleymat   


* Marie la musulmane, Editions Albin Michel.

 

Plateformes Arts en Méditerranée. Du 6 au 26 novembre 2011. Théâtre Jean-Vilar, 1 place Jean-Vilar 94400 Vitry-sur-Seine. Tél : 01 55 53 10 60. Programme complet sur www.theatrejeanvilar.com

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