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Théâtre - Critique

L’Histoire terrible mais inachevée de Norodom Sihanouk, roi du Cambodge

L’Histoire terrible mais inachevée de Norodom Sihanouk, roi du Cambodge - Critique sortie Théâtre
Crédit : Michèle Laurent Légende : « Les comparses de L’Histoire terrible… de Norodom Sihanouk. »

Publié le 10 novembre 2011 - N° 192

En écho à L’Histoire terrible …de Norodom Sihanouk (1985) par le Théâtre du Soleil, les enfants des victimes des Khmers rouges recréent « leur » spectacle.

Le Théâtre du Soleil a présenté en 1985 L’Histoire terrible mais inachevée de Norodom Sihanouk, roi du Cambodge d’Hélène Cixous, créé mythiquement par Ariane Mnouchkine, un éblouissement dans la mémoire du spectateur. En 2011, c’est à partir d’une traduction visualisée de la langue khmère, parlée sur le plateau par de jeunes acteurs cambodgiens, que s’impose la force de cette écriture métaphorique au souffle politique et poétique. Le sujet shakespearien est l’Histoire du Cambodge, réappropriée par les descendants des victimes des khmers rouges. C’est un aller-retour symbolique, un contrat moral entre deux communautés : le Théâtre du Soleil de ce côté-ci du monde, et l’École des Arts « Phare Ponleu Selpak » de Battambag au nord-est cambodgien, un centre culturel à l’écoute des jeunes défavorisés de la rue qui s’insèrent à travers l’expression artistique, cirque, dessin, peinture, danse. C’est à la Première Époque, de 1955 à 1970, que font référence les metteurs en scène, Georges Bigot – l’inoubliable Norodom Sihanouk à la création – et Delphine Cottu. Malgré les pressions de la Chine, de l’Union Soviétique et des Etats-Unis, le prince Sihanouk résiste avec sa politique de non-alignement, ce qui agace les socialistes révolutionnaires comme les proaméricains cambodgiens.
 
Spontanéité instinctive des sentiments
 
Le 18 mars 1970, Sihanouk est destitué par un coup d’état. Le prince s’exile à Pékin tandis que les khmers rouges déstabilisent le régime proaméricain. En 1975, ils prennent avec Pol Pot le pouvoir. S’ensuivent les purges successives de ce parti léniniste et maoïste, bourreau du peuple cambodgien dont quatre hauts dignitaires sont jugés actuellement pour génocide. Or, sur le plateau, la trentaine de jeunes acteurs et musiciens enchantent la salle à ravir, attentive à l’Histoire, aux traditions de ce pays oriental francophile, à son cérémonial, à ses coutumes raffinées, à sa gestuelle gracieuse comme portée à des relations paisibles innées. On ne peut oublier les souffrances endurées par ce peuple, citadins ou campagnards non- communistes que ce système autoritaire a massacrés, affamés et humiliés. Sam Marady est la merveilleuse interprète du prince Sihanouk, véritable marionnette humaine enjouée, discourant et grondant. Sur le plateau, l’actrice virevolte en jouant la spontanéité instinctive des sentiments, joie ou colère, avec roulements d’yeux et sourires en coin, selon le mime expressionniste. Le chœur des comédiens dessine une haie d’honneur à la fois au prince rayonnant et à l’esthétique de Mnouchkine. Beau passage de témoin d’une pièce historique à la théâtralité et à l’émotion justes.
 
Véronique Hotte


L’Histoire terrible mais inachevée de Norodom Sihanouk, d’Hélène Cixous, d’après la mise en scène d’Ariane Mnouchkine (1985) ; mise en scène de Georges Bigot et Delphine Cottu. Spectacle vu aux Célestins- Théâtre de Lyon dans le cadre du Festival Sens Interdits. Du 23 novembre au 4 décembre 2011, du mercredi au samedi 19h30, samedi et dimanche 13h au Théâtre du Soleil Cartoucherie 7512. Tél  :01 43 74 24 08

A voir aussi Sophocle/Œdipe, Tyran, de Heiner Muller, mise en scène de Matthias Langhoff avec la collaboration de Shaghayegh Beheshti, du 15 au 27 novembre. 

A propos de l'événement


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