22ème Festival Don Quijote
Comme chaque année, le Festival Don Quijote, [...]
Après le succès de l’an dernier, reprise de cette remarquable création d’Anne-Marie Lazarini, récompensée par divers prix. Elle fait entendre brillamment l’écriture de Jean Echenoz et donne vie au portrait bouleversant de Ravel.
Dans ce roman concis magnifiquement écrit, Jean Echenoz réinvente les dix dernières années de la vie du compositeur Maurice Ravel (1875-1937), « le musicien le plus considéré du monde ». Nourri d’un long travail de documentation sur l’homme et son époque, l’auteur a créé une merveilleuse fiction, une écriture plus descriptive et cinématographique que tournée vers l’intériorité, qui permet de saisir les vérités profondes de ce personnage fascinant, au cœur de son monde. Sa « petite maison compliquée » à Montfort-l’Amaury, avec sa vue sur la vallée, la tournée grandiose aux Etats-Unis, puis la maladie neurologique qui le frappe et l’emportera… Une star mondiale mais un homme seul, malgré de fidèles proches. Guidée par son amour pour cet auteur, enchantée par « l’humour, l’ironie douce et la légère distance sur les choses » qui traversent le texte, Anne-Marie Lazarini a fait le pari audacieux de « faire entendre l’écriture d’Echenoz et faire théâtre à partir d’elle » : pari brillamment réussi ! Sans rien changer au texte mis à part quelques coupes, elle crée une représentation profondément vivante et captivante, avec dans le rôle-titre Michel Ouimet, impressionnant, entouré de Coco Felgeirolles et Marc Schapira, très justes, interprètes de plusieurs personnages et de la voix narrative.
Inventer à partir du réel
Passeurs du récit sans le confort de l’incarnation, les acteurs réussissent cependant à rendre ce portrait extraordinairement prégnant, jusqu’à atteindre par la qualité et la fluidité de leur jeu la vérité de l’être. Le va-et-vient remarquablement maîtrisé entre personnages et récitants, ainsi que la distribution de la parole finement répartie participent au succès de la représentation. Sur la scène débordant de bleu, quelques repères épurés : la baignoire, la Peugeot 201 d’Hélène Jourdan-Morhange, un transat, le paquebot France… et un piano. Un piano bien vivant qu’Andy Emler fait résonner d’une partition nouvelle, qu’il a créée pour la pièce à partir de la musique de Ravel et de l’univers littéraire d’Echenoz. Là encore, l’artiste invente à partir du réel, et de belle façon. Une représentation en remarquable adéquation avec le texte, comme un écho à la narration judicieusement formalisé, un écho délicat, subtil, élégant, lui aussi riche d’humour, d’ironie douce, et de tendresse. Un rêve littéraire devenu rêve théâtral…
Agnès Santi
Comme chaque année, le Festival Don Quijote, [...]